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mardi 13 novembre 2012

LA VEUVE QUI N'A JAMAIS MANQUÉ D'AMOUR


LA VEUVE QUI N’A JAMAIS MANQUÉ D’AMOUR
(Marc 12, 38-44)

J’ai toujours été frappé par la figure de Jésus telle qu’elle apparaît dans ce texte d’évangile et j’ai toujours rêvé de posséder sa liberté intérieure qui lui vient de l’assurance d’être ancré en Dieu et d’être l’objet d’un amour qui fait de lui le Fils «bien-aimé» du Père. Cette liberté lui permet de voir les personnes avec le regard éclairé par l’Esprit de Dieu qui l’anime et le remplit totalement.
Ce texte étale devant Jésus, d’un coté, le comportement des scribes représentants du pouvoir religieux et aussi, en ce temps là, du pouvoir politique et, de l’autre, le comportement des riches qui incarnent le pouvoir économique. Ces deux classes des personnes symbolisent donc les trois pouvoirs qui régissent et qui structurent la société humaine. Les tenants de ces pouvoirs sont présentés ici comme cherchant  plus à paraître qu’à être, comme  une classe d’hypocrites qui manquent de transparence et qui  profitent  de leur position dans la société pour exploiter les plus faibles et  pour s’enrichir personnellement. Voilà  donc stigmatisés  par le Maître le pouvoir et les classes dirigeantes de tous les temps. Jésus qui  regarde ces gens agir nous dit : « méfiez-vous en! »
On doit se méfier de ces agents du pouvoir, nous dit Jésus, comme on doit se méfier de quelqu’un qui s’approche de nous le visage caché. On doit se méfier d’eux non pas parce qu’ils sont religieux, ou parce qu’ils sont savants, ou parce qu’ils sont riches, mais parce qu’ils ne vivent pas selon la vérité; parce qu’ils cachent leur véritable identité. Pourquoi cachent-ils leur être? Parce qu’ils ne ont pas satisfaits d’eux-mêmes. Parce qu’ils ne veulent pas accepter ce qu’ils sont et ils veulent être ce qu’ils ne sont pas.
Voilà leur drame et leur infirmité! Ils sont donc fondamentalement des êtres malades, blessés, qui ont peur et qui sont angoissés à cause de leurs limites, de leurs faiblesses, de leurs fragilités, de leur vulnérabilité, de leur précarité. Ils manquent de confiance en eux-mêmes, dans leur valeur et c’est pourquoi ils cherchent constamment à bâti  autour de leur personne une structure qui puisse leur donner au moins l’illusion de leur valeur, de la sécurité et de la stabilité. Parce qu’ils se sentent insignifiants, non-nécessaires, ils font tout pour  attirer l’attention, pour se faire remarquer, pour se rendre intéressants, pour paraître brillants, importants, honorables, nécessaires et puissants. Finalement, ils font tout cela parce que, n’étant pas capables de s’accepter eux mêmes, ils ont besoin de se sentir acceptés au moins par les autres.
Mais des tels stratagèmes ne passent pas inaperçus aux yeux de Jésus qui voit dans les profondeurs  du cœur humain et qui  sait ce qu’il  y a dans l’homme. Il ne veut pas que l’homme vive dans le mensonge. Mais pour que l’homme puisse récupérer son identité et vivre dans la vérité de ce qu’il est en lui-même et devant Dieu,  Jésus appelle chaque personne à la pauvreté, c’est à dire à  se débarrasser de toutes les sécurités qu’elle a érigées ou multipliées  autour d’elle pour échapper à la sensation de sa fondamentale insignifiance et nullité. Drewermann affirmait que cest une grave erreur de dire que le christianisme ou la religion est fait pour libérer de la pauvreté. Au contraire, la religion de Jésus est faite pour permettre d’atteindre la pauvreté (Il vangelo di Marco – Immagini di redenzione, Quiriniana, p. 337) et que le but de l’enseignement de Jésus est d’arriver à convaincre que tant que l’homme a confiance en ses moyens au lieu de mettre sa confiance en Dieu, il sera toujours condamné à être malheureux et angoissé et donc à être exclu du salut de Dieu .
Voilà alors pourquoi la pauvreté de la veuve au temple suscite l’admiration de Jésus et est donnée en exemple. Cette veuve qui ne vit d’aumône, ne vit que de la confiance qu’elle place dans la bonté de Dieu et du prochain qui lui procurent tout ce dont elle a besoin pour vivre. Cette veuve, justement parce qu’elle sait qu’elle reçoit tout de l’amour et qu’elle n’a rien à elle et quelle ne peut donc rien perdre, est pour Jésus la plus libre de tous et la plus riche de tous, car elle possède la richesse plus enviable qui soit: la confiance en un Amour qui ne l’abandonnera jamais et qui la reçoit dans sa pauvreté. Grâce à cette confiance elle se possède elle-même; elle sait qui elle est et sa valeur aux yeux de Dieu. Et c’est pourquoi lorsqu’elle donne quelque chose, elle ne donne pas du superflu, c’est à dire quelque chose qui ne la touche pas, ou qui lui est extérieur, mais elle donne la seule chose qu’elle possède vraiment: l’amour qu’elle reçoit (symbolisé par les quelques monnaies reçues en aumône et qu’elle verse dans le tronc du temple) et qui est tout ce qui la fait vivre.
Par tout son enseignement Jésus a cherché à nous faire comprendre que nous, les humains, nous sommes la plus haute manifestation de l’Esprit dans l’univers, et donc le lieu privilégié de sa présence dans le monde; que Dieu est une Entité bénévole, jaillissement primordial et continuel d’amour qui génère et donné vie à toutes choses. Jésus nous a révélé que cette Énergie d’amour est une énergie de fond qui envahit tout, qui circule en nous, les humains, d’une façon éminente et constitue aussi le fond de notre être. Mais, en tant qu’humains, notre drame consiste dans le fait que, dans notre vie ordinaire, nous ne sommes pas conscients d’être les porteurs privilégiés de l’Esprit de l’Amour. Nous ne soupçonnons même notre grandeur. Nous ne connaissons pas notre nature profonde. Alors, au lieu de chercher à comprendre ce que nous sommes, et d’accepter dans l’émerveillement et l’action de grâce le miracle que nous sommes, nous cherchons à être ce que nous ne sommes pas par le recours à des succédanées minables dans lesquels nous nous illusionnons de trouver notre bonheur et notre épanouissement, alors qu’en réalité ils  nous égarent  dans l’insignifiance.
Nous ressemblons à l’albatros du compte enfantin  élevé avec les autres petits canards dans le marais de la ferme. Il se contente, avec les autres canetons  de barboter dans la boue à la recherche d’un maigre repas. Il pense que c’est ainsi qu’il doit vivre et que c’est là son destin. Mais s’il écoutait les appels de son instinct, il sentirait qu’il est fait pour s’élancer dans les hauteurs; pour s’enfoncer dans le bleu du ciel; pour folâtrer avec les vagues et le vent; pour sillonner les grandes espaces et pour épouser l’immensité de l’océan.
Jésus nous pousse à être attentifs aux appels qui montent des profondeurs de notre cœur et qui nous signalent notre grandeur et notre valeur. Il nous invite à abandonner la sécurité de notre poulailler et les misérables pitances avec lesquelles nous cherchons à assouvir notre faim. Il nous demande de tout donner, de nous délester, afin de pouvoir prendre l’envol qui nous permettra de vivre  notre vie soutenus et guidés par le vent de l’Esprit et la force de l’Amour qui est présent en nous par le seul fait que nous sommes des humains.
Jésus nous enseigne que, finalement, notre grandeur et notre bonheur nous viennent du fait que nous acceptons d’être humains, rien que des humains, des créatures limitées, mais que Dieu aime éperdument et qu’il a rempli de son Esprit.

(32e dim.ord. B 2012)

MB