(Mt.1, 18-24)
Le texte du premier
chapitre de l’évangile de Matthieu, s’il est cher à notre cœur de chrétiens
parce qu’il nous plonge, avec sa
simplicité et sa naïveté enfantine, dans nos tendres souvenirs d’enfance, est
cependant un texte qui aujourd’hui fait sourire beaucoup de personnes. C’est,
en effet, un récit difficile à comprendre pour ceux qui voudraient l’approcher
avec une mentalité moderne et scientifique. Mais ce conte, vieux de deux mille ans, est justement un conte et il doit être lu et compris comme
tel. Or, la vérité des contes n’est pas dans l’histoire racontée, mais dans le
message contenu dans l’histoire.
Les auteurs anciens ne
pensaient pas et ne s’exprimaient pas comme nous. Dans un monde de gens simples
et incultes, ils étaient obligés d’avoir recours aux images, aux paraboles, aux
mythes, aux contes pour se faire comprendre. Ils n’utilisaient donc ni nos concepts
intellectuels, ni notre logique cartésienne. Ils n’avaient ni la même
perception, ni la même conception de la réalité que nous avons aujourd’hui. Ces
gens étaient, si l’on veut, des «primitifs», mais surtout des gens profondément
religieux. Pour eux tout était mystérieux; tout baignait dans le sacré et le surnaturel.
La divinité était proche des hommes. Elle habitait juste au-dessus d’eux. Elle surveillait
et contrôlait leurs actions; elle était présente
partout et l’«esprit» divin était partout à l’œuvre autant dans la création que dans l’histoire des hommes. Les anciens trouvaient tout
a à fait normal que la divinité intervienne dans notre monde avec sa
toute-puissance, même pour féconder une femme, comme cela s’était déjà maintes
fois produit en d’autres récits et
d‘autres légendes.
Pour les gens de la Bible , Dieu constituait le
recours et l’explication ultime de tout ce qui arrivait, surtout lorsque cela ne pouvait pas être compris ou
expliqué par leurs pauvres connaissances.
Chercher donc aujourd’hui à réfuter le contenu de ces vieux textes, les traiter
d’enfantins, de débiles; les considérer comme des histoires absurdes et
ridicules, c’est faire preuve d’ignorance. On ne traite pas les chinois d’imbéciles
parce qu’ils ne pensent pas comme nous, ne
parlent pas comme nous, n’écrivent pas comme nous, n’utilisent pas les mêmes expressions,
les mêmes images, les même signes, les mêmes symboles que les nôtres et ne
soignent pas leurs malades avec nos médicaments.
Ces vieux textes de
l’évangéliste Matthieu qui nous
racontent la naissance d’un
Enfant-Dieu doivent donc être compris et interprétés à partir de la mentalité,
de la culture, des convictions de cet écrivain
juif qui écrivait pour les chrétiens de son époque. Matthieu utilise une façon de penser façonnée et influencée par les légendes, les fables et les mythes qui circulaient dans la littérature de
son temps et dans laquelle les récits de
divinités intervenant dans la vie et dans l’histoire humaine étaient monnaie courante.
Il écrivait pour communiquer une conviction profonde et une foi qui est au cœur
de l’annonce chrétienne qu’il partageait avec tous ses frères chrétiens. Quelle est la foi que l’évangéliste
Matthieu (et plus tard l’évangéliste Luc) voulait transmettre? Voilà son
message: Jésus de Nazareth est pour nous, les chrétiens, celui qui a vécu de
Dieu et en Dieu toute sa vie, jusque à la mort. Il est celui qui mieux que
quiconque, nous a parlé de Dieu, nous a fait connaître Dieu, nous en a révélé
les caractéristiques, les intentions et la volonté. Il nous en a partagé et communiqué l'Esprit. Alors Jésus est un cadeau du
ciel à l’humanité. Il a vraiment une parole qui nous découvre le Ciel. Il est vraiment un envoyé du Ciel, l'Oint, le Messie,
le Christ de Dieu. Pour nous, il est l’Homme rempli de Dieu, au point qu’il en est
la présence et l’incarnation la plus accomplie sur terre. Pour nous, Jésus n’est pas un homme comme tous les autres: il est spécial, il est unique,
il est exceptionnel, il est extraordinaire. Il est celui qui a réalisé en lui
l’idéal de l’homme parfait, de l’homme idéal, tel que chaque être humain devrait être aux yeux de Dieu, pour ainsi
dire. Si nous sommes tous des fils de Dieu, lui, Jésus, il l’est plus que tout
le monde. Il est fils de Dieu de la façon la plus accomplie, la plus parfaite.
Il est le Fils de Dieu par excellence. C’est comme s’il venait d’ailleurs, d’un
autre monde. C’est comme s’il n’avait presque rien reçu de ce monde ordinaire, de ses parents, tellement
en lui tout semble être extra-ordinaire, admirable, impeccable, digne, divin.
Quand on le regarde agir, on a la
sensation qu’il est vraiment parfait
comme homme. Tout semble lui venir d’ailleurs, au point que l’on peut affirmer
que la présence de Jésus dans notre
monde est l’œuvre de Dieu. Nous, les humains, nous n'y sommes pour rien. Son père
et sa mère n’y sont pour rien non plus. La naissance de Jésus parmi nous est le
fruit exclusif de l’intérêt de Dieu et de son amour pour nous. La présence de ce Fils de Dieu est l’œuvre
exclusive de Dieu et de son Esprit.
C’est ce message que Matthieu
cherche à communique, lorsqu’il affirme que sa mère l’a conçu d’une façon
virginale, sans le concours d’un homme
et par l’action de l’Esprit de Dieu.
Pour ce croyant qui est Matthieu
et dont la vie a été transformée par sa rencontre
avec Jésus, les parents biologiques de Jésus n’ont pas grande importance. Ils
n’ont été que le canal matériel par où nous est arrivé ce Don du ciel qui a le
pouvoir de transfigurer ceux qui l’approchent. Ses parents biologiques ne sont
que des tuteurs et des pourvoyeurs. C’est Dieu, qui s’est manifesté et s’est donné en Jésus et qui fait
finalement toute la valeur et l’importance de cette Personne. C’est ce rôle secondaire
et presque négligeable de la parenté biologique, par rapport à l’enfantement spirituel
de Jésus comme Fils, envoyé, messie, Christ de Dieu et incarnation de sa présence,
que ces textes évangéliques qui parlent de sa naissance
«virginale» cherchent à nous transmettre.
Ces textes, qui possèdent
une charge émotive et lyrique incomparables, sont donc loin de mériter la moquerie
et le sarcasme d’une certaine critique moderne qui se veut éclairée. Pour nous,
les chrétiens, ces récits à l’allure invraisemblable, servent, de fait, à
expriment des contenus d’une importance fondamentale. Pour nous, ce récits sont
totalement vrais, mais non pas pour ce qu’ils disent directement, mais pour ce
qu’ils cherchent à transmette indirectement.
Alors, vous les croyants
chrétiens, ne vous laissez pas perturber outre mesure lorsque certains éclairés
modernes pensent se payer votre tête en vous disant d’un air amusé : «Mais
comment pouvez-vous croire, en plein XXIe siècle, que Jésus de Nazareth a été conçu par l’action du Saint Esprit dans une femme qui est restée vierge?».
Ceux qui posent une telle question
ne font que manifester leur stupidité et proclamer leur ignorance.
MB