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lundi 6 janvier 2014

ÉPIPHANIE OU L'OUVERTURE CHRÉTIENNE AUX AUTRES RELIGIONS




Le prophète Isaïe (Troisième Isaïe) écrivait au moment de la libération et du retour à Jérusalem des exilées juifs à Babylone. Lorsque les exilés arrivèrent en Israël, ils trouvèrent leurs villes en ruines, les champs abandonnés ou exploités  par d’autres, les murs de Jérusalem, la ville sainte, croulants et son temple, le lieu de la présence de Dieu parmi son peuple, brûlé. Cette dramatique réalité les découragea totalement. Ils concentrèrent alors leurs efforts et leurs espoirs uniquement dans la reconstruction de leurs maisons et dans le défrichement de leurs champs, laissant de côté la restauration du temple et, avec cela, la confiance dans le retour glorieux du Seigneur qui apporterait à Israël le salut complet dans un avenir prochain. Dans ses écrits, Isaïe cherche à soutenir l’espoir et à encourager la foi de son peuple. Il l’invite à mettre sa foi et son cœur dans le pouvoir salvifique du Seigneur, qui apportera sûrement un jour la justice et la paix. Dans le texte, plein de lyrisme et de poésie que la liturgie catholique fait lire à l’Eucharistie de la fête de l’Épiphanie (Is 60, 1-6), le prophète annonce qu’un jour Jérusalem retournera à être une ville spectaculaire, éclatante de lumière ; la présence de Dieu comme son roi, fera d’elle une grande nation, vers laquelle tous les yeux se tourneront et devant laquelle tous les peuples de la terre se prosterneront. Le Prophète annonce que Dieu sera celui qui instaurera une nouvelle ère pour Israël, une ère où Dieu régnera et où seront détruites toutes les forces du mal.

Cette vision prophétique possède évidemment une compréhension très limitée de l'action salvifique de Dieu, puisqu’elle suppose que la promesse divine de salut se réalisera uniquement et exclusivement en faveur du peuple d'Israël et non pas en faveur de tous les peuples de la terre.

Saint Paul dans sa Lettre aux Éphésiens, dont un extrait  très significatif est lu dans la Liturgie du jour de l’Épiphanie (3, 2-3a.5-6), élargira cette compréhension, affirmant que le salut venu de Dieu à travers Jésus est pour «tous», autant pour les juifs que pour les païens. Le plan de Dieu, selon Paul, est d’arriver à former, avec tous les gens de la planète, un seul peuple, une seule communauté de croyants, une seule église, un seul corps, un seul organisme vivant capable de communiquer à toute la création la vie, l’amour et donc le salut donnés par Dieu. La lettre aux Éphésiens veut annoncer que le plan caché et mystérieux de Dieu dont Paul a eu connaissance, par une grâce spéciale, consiste en ceci: la Bonne Nouvelle du Jésus, juif et issu de la religion juive, s’adresse aussi aux païens et est également efficace pour les païens. Eux aussi, sont les héritiers  des promesses, membres de ce même Corps. Cela  signifie que Dieu a choisi de se révéler à toute l'humanité, d’agir en tous, d’être pour tous source d’accomplissement  et de bonheur et de salut, sans aucune exception. Il n’y a  donc plus de peuple choisi à qui les promesses sont réservées.

L'évangile de Matthieu, avec la magnifique fable de l’étoile qui guide les Mages jusqu’à  la demeure de L’enfant-Dieu et qui est proclamée en la fête de l’Épiphanie (Mt 2, 1-12), confirme l'universalité du salut de Dieu. L’évangéliste, à travers ce conte d’une charge symbolique extraordinaire, exprime l'origine divine de Jésus et de son œuvre restauratrice en tant que Messie, roi d'Israël, héritier du trône de David. C’est pour cela qu’il précise exactement l'endroit où Jésus est né (Bethléem la cité de David) et qu’il confirme, par des citations tirées de l’A.T., que la présence de l’Enfant de Nazareth dans l'histoire humaine accomplit et réalise les paroles et les promesses des prophètes. D'autre part, le rejet de cette naissance par les autorités politiques (Hérode) et religieuses (grands prêtres et scribes) du peuple juif et la joie débordante des Mages venus de l'Orient, constituent déjà un présage et l’annonce du caractère universel de la mission de Jésus, de l'ouverture de l'Évangile aux païens et de leur insertion désormais possible dans la communauté chrétienne.

L'Épiphanie du Seigneur veut alors confesser notre foi en un Dieu qui se manifeste à toute l'humanité, qui se fait  présent dans toutes les cultures, qui agit  en ​​tous sans distinction et qui invite la communauté des croyants à ouvrir ses  portes au pluralisme et aux  besoins du monde d’aujourd’hui.

Le message de l’Épiphanie est alors tout à fait en accord avec la nouvelle sensibilité et la nouvelle mentalité des chrétiens d’aujourd’hui. Dans une société comme la nôtre, profondément marquée par le pluralisme religieux, la perception de la «mission», du «missionnaire» et le sens de «l'universalisme chrétien» ont profondément changé. Jusqu’à un temps relativement récent faire «œuvre missionnaire» était synonyme de « faire du prosélytisme», «convertir au christianisme» les indiens, les africains, les chinois …et cela par tous les moyens  possibles, car c’était le salut éternel de ces pauvres gens qui était ici en jeu. Aujourd’hui, heureusement,  les mentalités ont changé ; et même nous, les chrétiens, ne sommes plus capables d’accepter une telle attitude, ainsi que le principe théologique qui la justifiait: «en dehors de l’Église Catholique, aucun salut »; qui fut proclamé pendant des siècles par la théologie catholique et imposé presque comme un dogme de foi. Il fut un temps, en effet, où nous croyions, nous les chrétiens, être le nouveau peuple élu par Dieu; nous croyions que notre religion était la meilleure, l’unique vraie, la seule bonne, la seule voulue et acceptée par Dieu et donc destinée à devenir l’unique religion pour tous les gens de la planète. Nous pensions donc que, dans le plan de Dieu, les autres peuples non-chrétiens auraient été appelés à abandonner leur religion ancestrale pour se réfugier, nus et dépouillés de tout leur héritage culturel et religieux, dans le sein de la Mère Église Catholique …. Et ainsi, tôt ou tard, le monde aurait gagné le vrai bercail pour former «un seul troupeau avec un seul berger».

La fête d’aujourd’hui vient donc nous éclairer et mettre les choses dans leur juste perspective; elle nous aider à relativiser les contenus de nos dogmes. Elle nous invite à laisser de côté nos partis pris, nos airs de supériorité, notre prétention de détenir l’exclusivité de la vérité, préjugés créés en nous par l’ignorance et, avouons-le, par une certaine forme d’intolérance et de fanatisme qui sont les plaies qui guettent tout mouvement spirituel lorsqu’il se transforme en religion instituée.


MB 

Réflexions inspirées d'un commentaire en espagnol du Servicio Latinamericano


Imprégner le temps d'Esprit

RÉFLEXIONS SUR LE JOUR DE L’AN 
(2014)


Au premier jour de l’an l’Église catholique a placé la fête de Marie, la Mère de Jésus, mais considérée et proclamée comme  «mère de Dieu». Marie est  présentée ici comme la figure et le prototype de ce  que nous, les humains, nous sommes finalement dans la profondeur de notre être: le lieu par excellence de l’incarnation,  de la gestation et de l‘apparition du « divin » dans  l’univers. Et puisque  Dieu est Amour, la raison de notre présence est d’être la manifestation de l’Amour, seule force capable d’améliorer et de sauver le monde. Marie est alors l’image emblématique ou symbolique de la race humaine dont le but est de mettre au monde ou, si l’on préfère, de donner au monde son « Sauveur ».

Au premier jour de l’an on célèbre aussi la Journée de la Paix.  Le chrétien est un  bâtisseur de paix. La paix commence à l’intérieur de nous. Lorsqu’on est en paix avec soi-même on est en paix avec les autres; et plus nous sommes en paix avec les autres, plus grandit notre paix intérieure.Notre bonheur vient du fait que nous vivons pour les autres et que nous nous sentons aimés par les autres. Le bonheur et la paix sont donc dans le don de soi et non pas dans la fermeture sur soi et l’égoïsme. Être en paix avec les autres comporte respect, attention, partage, compassion, tolérance, bienveillances, amour… Si un moustique peut déranger toute une nuit de sommeil, imaginez combien de dégâts peut causer autour de nous une méchanceté continuellement à l’œuvre (Dalaï Lama) !

Je pense que c’est la naissance d’une relation réciproque avec un autre être vivant qui crée de l’amour. Je suis convaincu que la naissance de l’amour entre deux êtres ne dépend ni de la nature de l’autre, ni de son l’aspect, ni de son âge… mais uniquement de la qualité de la relation. Cela explique pourquoi je peux sentir autant d’affection pour mon chat Romeo. J’ai été longtemps intrigué par ce phénomène. Je suis sûr que je ressentirais un certain attendrissement même pour une souris ou un poisson si ces créatures étaient capables d’interagir avec moi et de me montrer une certaine forme d’attachement. Je suis arrivé à la conclusion que, puisque dans l’Univers l’Amour est l’Énergie Originale qui imprègne et unit tout ce qui existe et qu’elle se manifeste dans le vivant et dans l’humain d’une façon toute spéciale, il est peut-être normal de me sentir lié à Romeo qui égaye, embellit et délecte mon existence.

Profitons du temps qui passe et qui nous est alloué, pour laisser une bonne trace de notre passage; pour quitter le monde meilleur que nous l’avons trouvé. Nous n’aurons pas vécu pour rien. C’est le bien que nous accomplissons, la joie, le bonheur et l’amour que nous diffusons qui font la valeur de notre personne et  donnent du sens à notre vie.

Vivons dans la vérité de nous même. Car le mensonge donne peut-être des fleurs, mais jamais des fruits. Le temps de vie que nous est réservé est court, toujours trop court. C’est pourquoi il ne faut pas le gaspiller en balivernes et en futilités. C’est pourquoi il faut le vivre pleinement et intensément, non pas de l’extérieur, mais de l’intérieur, afin qu’il serve à bâtir en nous une personnalité attachante, fascinante, rayonnante et capable de répandre autour d’elle affection, joie et bonheur.

Nous vivons dans une société où tout se déroule à l’enseigne de la vitesse, du rendement et du profit et où, par conséquent, on a horreur de perdre du temps, car le temps est précieux puisqu’il vaut de l’argent. Mais le temps aussi a une qualité et cette qualité n’est pas nécessairement liée à sa valeur économique. En effet si nous utilisons notre temps uniquement à faire de l’argent, nous pouvons probablement accroître notre compte bancaire, mais je ne suis pas certain que cela nous fasse aussi automatiquement  croître  en tant que personnes. Car on peut utiliser notre temps en des activités qui nous dispersent et nous démolissent au lieu  de nous bâtir et de nous faire grandir en humanité.

Il y a des individus qui décident de ne jamais grandir et qui arrêtent le temps au stade de leur enfance ou de leur adolescence. Ils conçoivent la vie comme un constant « party » qui comporte le minimum de responsabilités et le maximum de plaisir. Pour ce type de personnes vivre signifie bouger, courir, s’agiter, gagner le match, écraser l’adversaire, expérimenter des sensations, s’amuser, s’étourdir dans le bruit  et le vacarme, souvent volontairement  créés  autour de soi pour éviter de se trouver face à soi même et découvrir la superficialité et la pauvreté de son existence.

Je pense que le temps n’est pas quelque chose que l’on peut perdre. Il est inexorablement responsable de l’écoulement de notre vie. Il ne nous lâche jamais. Il nous colle aux fesses, comme on dit. Par contre, on peut le gaspiller. Mais heureusement qu’on n’a pas tous la même conception du gaspillage! Est-ce qu’on gaspille notre temps lorsqu’on s’arrête ? Lorsqu’on ne fait rien ?  Lorsqu’on est seul ? Lorsqu’on crée du vide en nous et autour de nous ? Lorsqu’on est « dans la lune » ? Lorsqu’on rêve « les yeux ouverts »? Lorsqu’on fait silence? Lorsqu’on pense, on réfléchit, on prie ? Lorsqu’on écoute les autres ou Mozart ou les notes de cette mélodie qui est continuellement jouée dans les profondeurs les plus secrètes de notre être par le Mystère Divin qui nous habite ? N’est-ce pas en ces moments-là que nous vivons le plus intensément le temps de notre vie ? N’est-ce pas en ces moments-là que nous nous trouvons en parfaite harmonie avec ce que nous sommes vraiment au fond de nous-mêmes: des humains, c'est-à-dire, l’accomplissement le plus réussi de l’évolution cosmique en qui s’incarne, se manifeste et agit l’Esprit de Dieu ou l’Énergie d’Amour  qui régit et soutient l’Univers ?

Alors, il faut que nous sachions habiller notre temps avec la parure de la spiritualité. Car c'est tels que nous sommes, nous, les humains : matière embrasée par l’Esprit. Et puisque notre destin est de vivre dans le temps, nous devons l’imprégner d’Esprit. Autrement notre temps ne sera plus humain et il s’écoulera seulement pour nous faire vieillir et mourir et non pas pour nous faire grandir en humanité aux yeux des hommes et aux yeux de Dieu.



 MB