NOËL - LA
MANIFESTATION DE DIEU DANS LE MONDE
UNE NOUVELLE FAÇON DE COMPRENDRE L’INCARNATION
DE DIEU
Le monde
occidental à partir du XVIIe siècle a subi une révolution culturelle d’une
portée sans précédent qui l’a fait basculer de l’enfance à l’âge adulte; du Moyen-âge
à l’époque moderne; d’une culture mythique à une culture scientifique; d’un
univers dominé par la religion et la foi à un univers guidé par la rationalité,
la technique et la science. Aujourd’hui, grâce au progrès des sciences et des
connaissances, on n’a plus besoin de recourir, comme dans le passé, à
l’«hypothèse-Dieu» pour expliquer le monde, la nature et les phénomènes
naturels. Le monde moderne a pris conscience de l’autonomie du cosmos et de l’être
humain. Il a donc définitivement abandonné la croyance en un monde mythique et surnaturel
qui existerait au-dessus et au-delà de notre monde humain et où habiterait la
divinité.
Nous savons aujourd’hui qu’y il y quinze milliards
d’années une explosion fulgurante (le big-bang) a donné naissance à l’Univers, au
temps et à l’espace. Depuis lors se poursuit sans arrêt l’ascension du monde
vers la complexité. À partir d’un vide subatomique initial se sont formés
successivement les quarks et les électrons, les protons et les neutrons, les
atomes, les étoiles et les galaxies. Une immense tapisserie cosmique tissée,
composée de centaines de milliard de galaxies, faites chacune de centaines de
milliards d’étoiles. Dans la banlieue d’une de ces galaxies, sur une planète
proche d’une petite étoile, apparut l’homme, doué de conscience et
d’intelligence, capable de comprendre l’Univers et de s’émerveiller devant son
harmonie et sa fantastique beauté.
Nous savons maintenant que cet
univers est régi par des lois physiques qui lui sont propres et qui surgissent
de la nature même de sa constitution.
Les découvertes
modernes de l’astronomie et de l’astrophysique nous ont appris que dans
l’univers il n’y a ni de haut ni de bas, ni de droite ni de gauche et qu’il ne
fait plus aucun sens de parler d’un Dieu en-haut, ni d’un enfer en-bas, ni d’une
terre coincée entre les deux, comme le croyaient nos ancêtres. Pour les gens de
la modernité, il n’y a donc plus de place pour un Dieu conçu comme un puissant monarque
qui, du lieu secret de sa demeure, ferait tourner les huit sphères célestes (d’Aristote
et de Ptolémée) autour d’une terre au centre de l’univers, aidé par une cohorte
d’anges. Depuis longtemps la modernité a abandonné l’idée d’une super-entité
«paternaliste», aux attributs humains poussés à l’infini, qui du haut de son
trône veillerait sur le bien-être des humains. Cette conception
anthropomorphique de Dieu est le produit d’une culture primitive dans laquelle
l’ignorance, la peur et le besoin de sécurité ont joué un rôle prépondérant.
Cette image de Dieu a joué son rôle. Elle a longtemps servi à satisfaire la
curiosité et l’anxiété humaine; mais elle était une image provisoire, insuffisante
et destinée à être inévitablement dépassée par les rythmes de l’évolution.
Il n’y a plus de place aujourd’hui pour
un Dieu conçu comme un gardien austère de la moralité et qui passerait son
temps à surveiller les humains pour les punir ou les récompenser, selon la
bonne ou la mauvaise qualité de leurs actions. Il n’y a plus de place pour un
Dieu auquel il faut offrir adoration, culte et sacrifices pour en recevoir en
échange protection et sécurité. La conception d’un Univers à trois étages
chapeauté par la majesté d’un Dieu tout-puissant qui assure le bon
fonctionnement de l’ensemble s’est effondrée à partir du XVIe siècle avec Galilée,
Copernic et l’arrivée des sciences modernes. Cet effondrement est aussi le
prélude de l’écroulement incontournable des religions traditionnelles qui ne
sont finalement que la forme humaine et historique (organisée et guidée par des
spécialistes) que la vénération de ce Dieu a pris au cours de l’histoire.
Cette représentation
primitive et mythique de Dieu est pourtant celle qui est à la base de la
formation des dogmes les plus fondamentaux de la religion chrétienne. Ces dogmes
définissent la nature de Dieu et de Jésus de Nazareth. Ils ont été élaborés et fixés
au cours des cinq premiers siècles, sous la pression des empereurs romains. Proclamés
vérités divinement révélées et inaltérables, ils on été imposés de force par
l’autorité impériale à tous les chrétiens, sous peine de bannissement, d’excommunication
et de mort. La fixité et la rigidité des dogmes, gardés sous stricte
surveillance par les autorités religieuses pendant plus de vingt siècles, ont
rendu impossible une évolution dans la compréhension et l’expression de la foi
chrétienne. Cela explique pourquoi dans l’Église officielle, il a été et il est
si difficile de passer du Moyen-Âge à l’époque moderne, sans donner
l’impression d’être un hérétique ou un subversif qui veut tout chambarder. Cela
explique pourquoi, aujourd’hui encore, il y a tant de chrétiens qui continuent
à garder dans le portefeuille de leurs croyances la vieille monnaie d’antan, même
si elle a perdu depuis longtemps toute valeur. Cela explique pourquoi il y encore
tant de chrétiens qui font semblant
de croire à la vérité des énoncés dogmatiques, même si leur intelligence et
leur esprit critique ne réussissent plus à les accepter. Se pourrait-il que
dans la religion les croyants cherchent plus la sécurité que la vérité; et que la
religion soit plus une affaire de sécurité que de vérité ?
Malgré les
efforts considérables que les autorités ecclésiastiques ont déployés jusqu'à
récemment pour sauver la présentation et la compréhension traditionnelles de la
foi, le temps fait quand même son œuvre dans l’esprit des chrétiens. Les
croyants des temps modernes, enrichis par les conquêtes de la technique,
informés par les découvertes et éclairés par les connaissances des sciences modernes,
ne sont plus capables d'adhérer à l’ancienne conception de Dieu que la religion
a sédimentée dans ses dogmes. Leur nouvelle éducation les pousse maintenant à
concevoir Dieu d’une toute autre manière; à l’exprimer avec d’autres concepts et
d’autres représentations, qu’ils tirent du bagage de leurs nouvelles
connaissances.
Ils préfèrent
penser que Dieu n’est pas une entité, un être, mais qu’il est l’Être ou l’Énergie
de l’être. Les croyants modernes sont maintenant plus enclins à penser que «ce»
que nous appelons « Dieu», si Dieu il y a, n’a pas d’existence en dehors de ce
qui existe. Et puisque, de toute évidence, cet Univers, visible et invisible
est toute la réalité qui existe, ils en concluent que c’est dans cet Univers que Dieu est et
que c’est dans cet Univers et
non pas en dehors de lui qu’il faut le chercher. Mieux encore, ils soupçonnent
que «Dieu» est ce qui existe et que donc l’Univers est, peut-être, la forme que
Dieu prend pour exister; et que Dieu devient «reconnaissable» et «dicible »
lorsque dans le cosmos apparaît une structure intelligente capable de le penser
et de le dire.
Ils préfèrent donner à Dieu des
noms qui sont plus conformes à leur perception de la réalité et qui expriment,
sans doute mieux leur nouvelle façon de ressentir et de comprendre sa nature, son
action et sa présence dans le monde. Pour ces nouveaux croyants, Dieu est le
«Mystère Originel», la «Réalité Spirituelle
Originelle», «le Prodige ou Miracle Originel», «l’Essence profonde de ce
qui existe», «la Source
de l’être et de la vie», «le Fondement de l’être», la «Profondeur de la réalité»,
«Énergie ou Esprit d’Amour». Ils préfèrent concevoir Dieu surtout comme Énergie
Amoureuse qui serait au fond de toute réaction, de tout mouvement, de toute
transformation, de toute l’évolution de la réalité qui aboutit, grâce à la
stupéfiante force de l’amour (union et attraction), à la naissance de la
matière, de la vie, de l’homme, de l’esprit dans des êtres intelligents
capables de tendresse et d’amour. La présence de l’amour est alors vue et
comprise comme la plus stupéfiante incarnation du Mystère Originel dans notre monde.
Le cosmos serait alors l’auto-expression du Mystère Originel. La création serait alors l’auto-révélation continuelle et
progressive d’un Esprit transcendant le cosmos, mais dans la forme duquel il se révèle. La création ne serait pas alors une intervention qui viendrait de l’extérieur donner naissance au monde, mais l’auto-manifestation du Miracle Originel qui agit de l’intérieur.
À
cause de l’impossibilité de penser Dieu avec les concepts d’autrefois, les gens
de la modernité ne réussissent plus à prendre au sérieux le discours religieux qui
persiste à considérer Dieu comme une entité singulière, personnelle et toute puissante
qui intervient de l’extérieur ou de là-haut pour régler les problèmes de notre
monde. Cette notion de Dieu est aujourd’hui totalement périmée.
La difficulté de prendre au
sérieux les données traditionnelles de la foi chrétienne se manifeste d’une
façon particulièrement aiguë lorsqu’il s’agit de prendre position face à la
doctrine chrétienne concernant la nature divine de Jésus de Nazareth. En se
basant sur les récits évangéliques de la naissance de Jésus, le chrétien
devrait croire que Dieu serait descendu du ciel sur terre pour prendre un corps
humain dans le ventre d’une femme qu’il aurait préalablement fécondée par son
Esprit. L’enfant né de cette divine intervention, serait alors l’incarnation de
Dieu sur terre. Cet événement merveilleux Dieu l’aurait accompagné d’apparitions
d’anges, de chants célestes, de mouvement extraordinaire d’astres dans le ciel.
Ce récit évangélique
n’est évidemment plus recevable aujourd’hui dans sa formulation littérale. Cependant,
cela ne signifie pas qu’il ne nous transmette pas, dans un langage mythique, poétique
et symbolique, une vérité qui, peut-être, gît et fermente depuis toujours au
fond de la psyché humaine et qui cherche par tous les moyens à naître à la
conscience.
C’est
ma foi en la réalité du mystère de l’incarnation
de Dieu dans notre monde que je voudrais essayer d’expliquer et de
présenter ici à partir d’une nouvelle perspective en m’appuyant sur les
intuitions des chrétiens modernes et en réfléchissant sur les données qui nous
viennent des acquis des sciences modernes.
Disons tout de
suite que le concept d’«incarnation» de divinités est assez courant dans les cultures
et les religions de l’humanité. L’universalité et la fréquence de ce mythe donne
à penser que, peut-être, la notion d’un dieu
qui devient homme est une intuition, une perception confuse mais réelle
d’une réalité qui est comme encodée dans nos gènes, qui fait partie de l’inconscient
collectif et des archétypes formés dans le cerveau humain aux origines de
l’humanité. Il se peut que l’idée d’un Dieu qui se fait homme soit comme l’écho
capté par notre cerveau d’une «mélodie secrète» qui se joue depuis longtemps dans
l’univers et qui finalement a trouvé sa résonnance dans une structure vivante (l’homme)
que l’Univers s’est expressément fabriqué dans ce but. Il existe aujourd’hui un
courant de pensée (qui remonte aux philosophes de XVIe siècle et, en
particulier, à Spinoza) qui voit dans le concept d’incarnation de Dieu non pas tant un article de foi religieuse, mais
plutôt la réalité d’un processus physique à travers lequel le Mystère Originel
(Dieu) prend corps dans l’Univers. Pour ces penseurs l’apparition d’une
structure matérielle vivante, pensante et auto-consciente (l’homme ou autres
créatures intelligentes sur d’autres planètes) est la conquête la plus
spectaculaire de la transformation et de l’évolution de la matière vers la
manifestation et l’incarnation du Mystère de Dieu dans le Cosmos (Cf. Philosophie
Processuelle de Alfred North Whitehead)
Ces penseurs
et ces philosophes croyants pensent découvrir dans les Forces qui bâtissent
l’univers la présence d’une «Énergie» à travers laquelle Dieu ou la Source de l’être, se
manifeste. Dieu serait cette «Énergie» qui, en se communiquant, prend corps, en
«créant» l’Univers. Celui-ci apparaît alors comme une matérialisation de la nature
profonde de Dieu, Énergie-Amour-qui se répand et crée des relations et des
liens, ainsi que les formules mathématiques d’Einstein le confirment. Les
équations d’Einstein nous révèlent en effet une équivalence parfaite entre l’Énergie
et la Matière. Tous
les phénomènes de physique atomique et quantique montrent également que la matière,
dans ses ultimes composantes, n’est que relation, vibration, onde, éclat,
lumière, force et énergie. Dans cette conception, Dieu serait l’essence la plus
profonde et la loi ultime du cosmos et de l’être humain.
Une
comparaison avec une sonate pour piano de Mozart, empruntée à Roger Lenaers, peut
aider à mieux saisir cette nouvelle façon de concevoir Dieu comme Mystère
Originel et Spirituel qui s’exprime dans le cosmos et qui se manifeste dans
l’évolution de l’Univers. Ce magnifique et envoûtant tourbillon de sons et de
vibrations de l’air qui constitue la sonate frappe nos tympans et à travers les
chemins merveilleux de l’oreille interne
et du nerf auditif, converti en impulsions électriques, vient atteindre et
solliciter le cerveau humain. Grâce au cerveau, les sons et les vibrations
deviennent non seulement audibles, mais ils se métamorphosent en une musique
divine qui ravit et transporte. Or, tout ce processus peut être décrit et expliqué
scientifiquement (même si cela reste toujours une énigme scientifique d'expliquer comment une excitation matérielle puisse être en même temps un phénomène de
conscience). La sonate cependant est plus qu’une succession de vibrations à des
fréquences différentes. Elle exprime, manifeste, donne consistance physique à une
réalité qui, elle, est toute spirituelle et qui est, de toute évidence, bien
existante: l’«inspiration» de Mozart. Dans la sonate pour piano, c’est vraiment
l’«esprit» de Mozart qui s’incarne dans la matière. C’est véritablement son
intériorité, qui se manifeste dans et sous cette forme de beauté. L’esprit de
Mozart n’intervient pas de l’extérieur pour créer la musique, mais la merveille
de la musique est l’esprit même de Mozart qui s’exprime et s’«incarne» dans le
monde matériel. Personne évidemment ne pense que parler d’inspiration (ou d’esprit) à
propos de la musique de Mozart soit quelque chose de fantaisiste ou de farfelu. L’inspiration, qui transforme des sons disparates en musique, c’est-à-dire en un tout harmonieux et absolument merveilleux, existe vraiment. Le miracle du son c’est
l’esprit même qui s’exprime dans la
matière. Ainsi, personne ne pense que le fait de reconnaître l’existence de cet «esprit» constitue un
obstacle à l’explication scientifique du phénomène musical. Semblablement, l’Univers a sa propre structure matérielle et
physique gérée par ses propres lois qui peuvent être connues et
étudiées, et dont les résultats peuvent être analysés, mesurés, enregistrés.
Cependant, cette structure matérielle n’est que la forme dans laquelle se
manifeste et se déploie «l’inspiration», c'est-à-dire l’«esprit», l’«intériorité»,
la «profondeur spirituelle» du Mystère Originel (Dieu) pour être et pour se
rendre perceptible à une conscience intelligente capable de tressaillir
d’admiration et d’enchantement devant une beauté aussi sublime.
L’apparition de
l’homme, créature intelligente dotée d’esprit, serait alors l’aboutissement d’un
long travail de gestation de l’Univers, par lequel le Mystère Originel a mis en
place les conditions de sa manifestation, de sa compréhension, de sa matérialisation
ou, si l’on veut, de son «incarnation» dans le monde. Car à quoi bon Être, si
l’on n’Est pour personne? À quoi bon l’existence d’une Énergie d’Amour qui
accouche d’un «cosmos» merveilleux et intelligible, si jamais ne surgit,
quelque part, l’émerveillement et une réponse amoureuse et intelligente? A quoi
bon l’existence d’une Puissance d’Amour, s’il n’existe nulle part un vis-à-vis
conscient capable de s’en éprendre et d’exulter de joie et de ravissement
devant les manifestations sublimes de tant de beauté?
L’homme serait la forme matérielle la plus accomplie que l’Amour Originel a pu trouver
pour se révéler, pour se faire connaître et reconnaître dans le cosmos. L’homme serait la forme provisoire la plus haute et la plus accomplie de l’auto-expression du Mystère
Originel. Dans
cette vision, l’homme ferait partie de Dieu et de ce que Dieu est. Dieu serait
partie de qui nous sommes et de ce que nous sommes. Dieu serait la dimension la
plus profonde et la plus vraie de notre être, celle qui fait en sorte que nous
soyons ce que nous sommes. Il se pourrait alors que l’attitude et la capacité
humaine à saisir et à prendre conscience de Dieu et d’agir en conséquence constitue
l’essence de ce que signifie que d’être humain.
Cette nouvelle
façon de concevoir Dieu et son «incarnation» dans le monde semble être aussi la
conviction du renommé astrophysicien et divulgateur Trinh Xuan Thuan qui dans son
livre Le chaos et l’harmonie écrit
ceci: «Je pense que notre capacité à
comprendre l’univers n’est pas le résultat d’un heureux hasard. Elle a été
«programmée» à l’avance, tout comme l’Univers a été réglé de façon extrêmement
précise pour que la vie et la pensé émergent. L’existence de l’Univers n’a de
sens que s’il contient une conscience capable d’apprécier son organisation, sa
beauté et son harmonie…La capacité de notre cerveau à comprendre les lois
naturelles n’est pas simplement un accidente de parcours, mais un reflet de
l’intime connexion cosmique entre l’homme et le monde... L’Univers a engendré
un être (homme) capable de le comprendre. Nous avons le don de comprendre parce
que l’Univers n’est pas qu’une collection de particules de matière inerte. Il
est la manifestation d’un principe infiniment plus subtil et élégant. L’Univers
a un sens, et c’est l’homme (ou tout autre être intelligent dans d’autres
planètes et d‘autres galaxies) qui, en le comprenant, lui confère ce sens…. La
cosmologie moderne a découvert l’ancienne alliance entre l’Homme et le Cosmos.
L’homme est l’enfant des étoiles, le frère des bêtes sauvages, le cousin des
fleurs des champs; nous ne sommes que poussières d’étoiles. L’astrophysique
nous révèle que l’apparition de la vie et de la conscience à partir de la soupe
primordiale a dépendu d’un réglage extrêmement précis des lois de la Nature et des conditions
initiales de l’Univers» (Éd. Fayard 1998, pp.429-430, 444).
Si à ce Mystère Originel, à cette
Énergie-Amour-Profondeur-Créatrice-de-la Réalité nous convenons de donner le nom
de «Dieu», alors nous pouvons dire, en toute vérité, que c’est Dieu lui-même
qui cherche à prendre forme et à s’exprimer dans l’être humain. Et voilà que
nous arrivons alors, mais par un autre chemin, à l’«incarnation» de Dieu dans
le monde que nous trouvons exprimée dans les évangiles. Mais cette fois-ci
l’incarnation de Dieu est comprise d’une façon totalement différente
de celle proposée par la religion. Dans la religion chrétienne l’incarnation de
«Dieu» est l’exécution d’un plan divin qui s’est réalisé en un jour bien précis
de l’histoire, une fois pour toutes et en un seul représentant de la race
humaine. Dans la nouvelle vision cosmique, le Mystère Originel est continuellement
en procès de matérialisation et d’«incarnation», autant dans le cosmos que dans
l’être humain. De sorte que dans l’être humain il s’incarne, non pas en
unissant la structure biologique d’un corps animal à son mystère, comme s’il
unissait à lui quelque chose qui existerait déjà en dehors de lui, mais c’est
son Être Mystérieux qui, de l’intérieur, prend progressivement forme dans tous
les êtres humains. C’est alors l’humanité dans son ensemble qui devient l’expression
physique, matérielle, corporelle la plus perfectionnée du Mystère Originel dans
le monde.
On est donc
devant une réelle «incarnation» de Dieu dans l’humanité et, par conséquent,
dans l’Univers. Nous, les humains, nous ne sommes pas une âme spirituelle qui
habiterait dans un corps, comme nous l’a enseigné la théologie classique, mais
nous sommes une étincelle de la forme avec laquelle Dieu s'exprime soi-même
dans la Réalité. Dieu
appartient ainsi à la définition de notre être. Nous existons seulement dans la
mesure de sa présence dans nos profondeurs et donc dans la mesure de notre
capacité à aimer, puisque le Mystère Originel est essentiellement Amour. Si
cela est vrai, il s'en suit que la fonction de notre apparition dans l’Univers
n’est pas seulement celle d’être la conscience que le Mystère Originel a de
lui-même, mais d’être aussi la forme auto-consciente que l’Énergie Originelle
d’Amour s’est donnée dans le Cosmos ainsi que le moyen par lequel l’Amour
Originel cherche à s’exprimer, à se propager et à transformer sa Création.
Devons-nous alors
abandonner le récit évangélique de la naissance de Jésus présenté comme l’Emmanuel,
le Dieu-avec-nous? Pas du tout! Au contraire! La nouvelle vision de
l’incarnation de Dieu dans l’Univers permet de donner au récit chrétien de la
naissance de l’enfant-Dieu dans la crèche de Bethléem, non seulement une portée
symbolique d’une ampleur et d’une puissance extraordinaire, mais aussi une
consistance existentielle bien plus réelle que celle qui nous parvient de
l’interprétation catholique du conte de Noël. Dans cette nouvelle vision, la
naissance de Jésus de Nazareth peut être considérée comme un des plus beaux accomplissements
de Mystère Originel qui prend corps dans l’Univers et comme une des plus parfaites
manifestations de la prise de conscience que l’humanité a eue de sa présence.
Pour les
chrétiens modernes, cette nouvelle manière de comprendre l’Incarnation de Dieu fait
de l’Homme de Nazareth une des pointes les plus sublimes dans l’histoire de
l’évolution cosmique. Elle leur permet de voir aussi sous une toute autre
lumière la figure de Jésus, de mieux saisir le mystère de sa personne et de réagir
autrement devant le contenu de son message, puisqu’ils savent de quelle Source
il jaillit et de quelle musique il leur transmet la mélodie. À la lumière de
cette nouvelle compréhension, l’Homme de Nazareth apparaît au chrétien comme le
franchissement d’une étape décisive et fondamentale du long voyage du Cosmos vers
la prise de conscience de l’existence dans ses entrailles d’un Mystère d’Amour
qui lui donne tout son sens. Jésus apparaît comme une réalisation admirable de
ce Mystère qui, en lui et à travers lui, se dit et s’exprime dans le monde de
la façon la plus claire et la plus complète. En effet, lorsque Jésus parle de
Dieu; il ne parle que de cet Amour qui l’habite, qui le transfigure et qu’il
appelle Dieu-Père, parce qu’il sait qu’il l’a généré, ainsi qu’il a généré tous
les autres humains, ses frères.
Si l’apparition
de l’homo-sapiens sur une minuscule planète a été un accomplissement important de
l’auto-révélation du Mystère Originel dans la matière; et si Jésus de Nazareth
constitue, pour les chrétiens, un prototype particulièrement signifiant de la
présence et de l’action de ce Mystère dans le monde, il faut cependant dire que
le Nazaréen n’en est pas l’unique prototype. L’Énergie d’Amour qui a été capable
de conduire l’évolution de l’Univers jusqu'à l’apparition d’une humanité
capable de la reconnaître et de la contenir, agit maintenant en elle avec un
tel déchaînement, une telle impétuosité, une telle frénésie et une telle exubérance
de manifestations, qu’elle donne l’impression d’être comme empressée de faire surgir
un peu partout les signes de sa richesse et les traces de sa présence. C’est comme
si cette magnifique symphonie, cachée depuis la nuit des temps dans les
profondeurs du cosmos, se réjouissait d’avoir finalement trouvé les artistes
capables de l’exécuter et de la faire retentir. C’est comme si «la mélodie secrète»
de l’Univers avait finalement produit les oreilles capables de l’écouter et les
cerveaux capables de l’interpréter. C‘est comme le débordement d’une surabondance
dans un récipient trop exigu pour la contenir.
Ce débordement
a fait surgir toutes ces personnalités extraordinaires qui ont marqué l’histoire de
l’Humanité et qui constituent des crêtes sublimes à travers lesquelles se rend particulièrement
visible, tangible et intelligible la présence du Mystère Originel qui imprègne tout
de ses virtualités. Ces phénomènes humains, pour n’en nommer que quelques uns,
s’appellent Siddhartha Gautama, Platon, Paul de
Tarse, Dante Alighieri, Giordano Bruno, Galileo, Leonardo, Jean de la Croix , Thérèse d’Avila, Spinoza, Isaac Newton, Pascal, Mozart, Beethoven, Darwin,
Louis Pasteur, James Maxwell, Max Planck, Albert Einstein, Martin Luther King,
Gandhi, Teresa de Calcutta, Mandela ….
Ces hommes et
ces femmes ont été pour l’humanité comme l’explosion d’une supernova qui a
ensemencé le monde du contenu fabriqué dans ses profondeurs, en permettant
ainsi au Mystère Originel d’accomplir des avancées nouvelles sur le chemin de
son auto-révélation et de son incarnation dans l’Univers. Ces maîtres ne sont
pas hors du Mystère Originel; ils sont dans, ou plutôt, ils sont le Mystère Originel.
Dans ces chefs-d’œuvre d’humanité, le Mystère Originel montre à notre monde
quelques-uns des traits les plus caractéristiques de son visage et quelques
facettes de la richesse infinie de son Esprit. Il écarte brièvement le voile
qui le cache, pour que, grâce à ces modèles d'humanité, tous puissent s’étonner des
merveilles qu’ils ont entrevues. A travers les humains le Mystère Originel se
donne à connaître comme Esprit, Énergie, Lumière, Intelligence, Ordre, Loi,
Poésie, Harmonie, Mélodie, Symphonie, Beauté… Mais pour nous, les chrétiens,
c’est surtout à travers Jésus de Nazareth que le Mystère Originel que nous
appelons Dieu a fait connaître la caractéristique la plus constitutive de son
Être, en se manifestant comme Amour.
Le phénomène
«Jésus de Nazareth» assume pour les chrétiens modernes une fonction et une
importance fondamentales. Il existe pour nous faire comprendre que c’est dans
la perfection de notre humanité que Dieu s’exprime. Il nous enseigne que dans
la mesure où nous sommes capables de construire notre humanité, dans cette même
mesure nous manifestons la présence de Dieu dans l’Univers. Jésus nous dit que plus
nous sommes humains, plus nous sommes semblables à Dieu; et inversement, que plus
nous sommes semblables à Dieu, plus nous sommes humains. Jésus nous annonce que
Dieu est part de nous et que nous sommes part de Dieu. C’est grâce à lui que
nous savons maintenant que le rôle de la religion n’est pas de nous rendre plus
pieux, plus religieux ou de nous établir dans un état de sécurité et de confort
face aux angoisses et aux peurs de l’existence, mais de nous rendre plus humains.
C’est grâce à Jésus que nous avons compris que la fonction de la foi n’est pas
de nous pousser à croire à l’incroyable, mais de nous pousser à vivre
pleinement notre humanité. Après Jésus, le but de la foi n’est plus de
convertir, mais de transformer le monde afin que chaque vie puisse avoir une
meilleure chance d’être vécue pleinement pour être ainsi en communion avec la Source de la Vie. Après Jésus, le
but de la foi est d’entraîner le croyant à aimer, toujours, sans calculer, pour
être en communion avec la
Source de l‘Amour qui aime gratuitement et avec profusion. Après Jésus, le
but de la foi est de pousser le croyant à trouver le courage d’être ce qu’il
doit être, fin qu’il soit en communion avec la Source de l’être.
La nouvelle
façon de concevoir et de comprendre Dieu permet de voir la personne et la
mission de Jésus de Nazareth sous une toute autre lumière et d’avoir aussi une
toute autre compréhension, bien plus profonde et existentiellement plus
enrichissante, du sens de sa naissance et de sa présence dans notre monde. Le
chrétien moderne voit en Jésus la manifestation concrète de ce que Dieu veut
réaliser dans le mode; son expression humaine la plus réussie. L’humanité de
Jésus devient exemplaire, modèle et source d’inspiration pour tous ceux qui
aspirent à atteindre un comportement humain de qualité. Jésus ne nous apparaît plus
comme la forme humaine d’une divinité venue d’ailleurs visiter provisoirement
notre monde sous un semblant d’humanité; mais plutôt comme un homme exceptionnel
qui plus que quiconque et, sans doute, mieux qui quiconque, a pris conscience
que tout son être, toute sa personne, toute sa vie n’étaient que la
manifestation d’une Énergie d’Amour qu’il appelle «Dieu-Père» et qui est partout
à l’œuvre dans le monde, mais surtout à l’intérieur de chaque être humain.
C’est surtout
l’évangéliste Jean qui a été capable de nous transmettre et de nous décrire la
conscience que Jésus de Nazareth a eu du mystère divin qui l’habitait et qu’il
a ressenti et découvert dans les profondeurs de son être. Dans les écrits de
Jean, Jésus apparaît comme le premier individu de notre race qui a pris
pleinement conscience qu’en lui Dieu se révélait, se manifestait, parlait, se
disait, au point qu’il en était comme la Parole devenue «chair». Le Jésus de Jean est
l’homme qui a pris conscience d’avoir été comme généré par Dieu, d’en posséder
l’Esprit et de pouvoir ainsi se considérer son «fils» et l’appeler « Père!»; et
de pouvoir affirmer que lui et le Père ne font qu’un, étant donné que Dieu était
en lui et que lui était en Dieu. C’est pour souligner cette unité et cette
intimité de Jésus avec Dieu, que l’évangile de Jean attribue à Jésus des
caractéristiques presque divines. Le Jésus de Jean nous assure que ce que lui est,
tous le sont également; que ce qui se passe en lui, peut également se passer en
tous, car son Dieu est aussi notre Dieu; son Père est aussi notre Père. L’Esprit
qu’il possède est pareillement donné à tous, agit en tous et tous peuvent s’en
abreuver, s’ils sont capables de descendre en eux-mêmes et de puiser à la
source divine qui jaillit dans les profondeurs de leur personne.
D'après Jean, Jésus
a compris que Dieu n’est pas une Réalité extérieure, mais intérieure à l’homme
et que de sa vitalité et de sa richesse celui-ci peut retirer toute l’énergie
spirituelle et la lumière dont il a besoin pour se bâtir et pour grandir en
tant que personne humaine et fils de Dieu. Ici, Jésus est le premier
homme qui a compris et qui a enseigné que la mesure de notre humanité est celle
de notre attention et de notre ouverture aux appels du Mystère Divin qui nous
habite.
Si Jésus apparaît
donc au chrétien moderne comme le lieu d’une manifestation toute particulière du
Mystère Originel dans l’Univers, il faut toutefois souligner que tout être humain
est également le lieu de l’incarnation de Dieu dans le monde. Le chrétien moderne
croit alors que dans le Maître de Nazareth la présence du Mystère Divin a déclenché
une réaction, une vibration et une résonance d’une puissance exceptionnelle et
unique qui ont fait de lui l’homme parfait qu’il a été. Jésus a été capable de
se laisser emporter totalement et sans réserve par le courant d’Énergie Divine
qui le possédait. C’est pourquoi en Jésus cette Énergie Divine a accompli des
merveilles. De sorte que l’on peut dire, qu’en Jésus, Dieu a produit son plus beau
chef-d’œuvre, a pris son plus beau visage et a créé la meilleure réalisation de
son incarnation. En Jésus, Dieu a créé, pour ainsi dire, un des modèles les
plus accomplis d’humanité dans lequel il a pu se révéler de la façon la plus
pleine et la plus complète. Il est l’homme à l’état le plus parfait parce qu’il
incarne la présence de Dieu dans l’Univers de la façon la plus parfaite.
Si Dieu, Mystère
Originel, est essentiellement Énergie d’Amour qui cherche à se communiquer et à
produire dans l’Univers une conscience intelligente capable de se rendre compte
et de se laisser affecter par sa présence; si l’humanité est la forme
matérielle que le Mystère Originel se donne dans l’Univers, ne
peut-on pas alors en conclure que l’être humain est la forme matérielle que
l’Amour se donne pour s’exprimer et pour se diffuser d’une façon consciente
dans le Cosmos? Ne peut-on pas dire que dans l’être humain l’amour acquiert une
force et une prépondérance tellement grandes qu'il semble n’être là que pour
aimer? Et que s’il échoue à cette tâche, il perd autant son humanité que la
raison de son existence dans le monde? Ne peut-on pas dire que sans l’Amour, l’humain devient un non-humain et donc un avorton inutile que l’Univers n’hésitera
pas à éliminer? Ne peut-on pas affirmer alors que plus intensément nous aimons,
plus profondément nous nous encrons en Dieu? Et que plus nous manifestons Dieu
dans notre vie, plus parfaitement nous bâtissons notre humanité? Ne peut-on pas
en conclure que, par contre, dans la mesure où nous n’aimons pas ou nous aimons
mal ou pas assez, nous n’agissons plus selon notre nature et qu’alors nous nous
détruisons en tant qu’humains, avec le milieu que nous habitons ? Ne peut on pas
dire aussi que c’est en Jésus de Nazareth que Dieu a produit le capteur, le
catalyseur, le condensateur le plus puissant de cette Énergie d’Amour et le
miroir le plus transparent à travers lequel elle se réfléchit, s’irradie et se
diffuse dans notre monde?
Pour le
chrétien, c’est en Jésus que l’Amour a laissé la trace la plus profonde, la
plus visible et la plus bienfaisante de sa présence. Jésus est le fils de cet
Amour (Col. 1,13). Jésus nous fait comprendre non seulement que l’Amour vient
de Dieu et qu’il est l’autre nom de Dieu, mais que l’Amour est aussi la raison de
la présence des humains dans l’Univers. C’est encore Jean qui, à partir de sa réflexion sur la personne de Jésus, a eu la meilleure
intuition et la meilleure intelligence de la fonction de l’Amour dans la vie du
Maître et dans la vie de tout être humain. Il écrit : «L’amour vient de Dieu et
quiconque aime est né de Dieu et parvient à la connaissance de Dieu. Qui n’aime
pas n’a pas découvert Dieu, puisque Dieu est amour. Voici comment s’est
manifesté l’amour de Dieu au milieu de nous: Dieu a envoyé son fils dans le
monde… Dieu personne ne l’a jamais vu. Mais si nous nous aimons les uns les
autres, Dieu demeure en nous et son amour atteint en nous sa perfection… Nous
avons reconnu et nous avons cru que l’amour de Dieu est parmi nous. Dieu est
amour: celui qui demeure dans l’amour demeure en Dieu et Dieu en lui. Ce que nous
sommes dans ce monde est à l’image de ce que Jésus est lui-même…» (1 Jn. 4,11-18).
Jésus s'est donné comme mission d’amener ses disciples à découvrir le Dieu-Amour à l’intérieur
d’eux-mêmes, afin, qu’à leur tour, ils puissent se laisser entraîner et
transporter par Lui et devenir ainsi porteurs et instruments de l’Amour dans le
monde. En priant Dieu pour ses
disciples, Jésus lui dit ceci :«Je leur ai fait connaître ton nom, afin que l’Amour dont tu m’as
aimé soit aussi en eux» (Jn.17,26). Lorsque Jésus agit, il ne fait que se
laisser conduire par le Mystère d’Amour qui l’habite. C’est pour cela que tout
ce qu’il fait porte la marque de l’Amour et en est une manifestation. De sorte
que l’on peut vraiment affirmer que dans l’Homme de Nazareth l’Amour a pris
corps et qu’en lui le Dieu-Amour s’est véritablement incarné dans notre monde.
Lorsque les chrétiens célèbrent Noel, c'est tout ce magnifique et merveilleux mystère qu'ils évoquent.
Lorsque les chrétiens célèbrent Noel, c'est tout ce magnifique et merveilleux mystère qu'ils évoquent.
MB
P.S.:
Dans cette vision des choses, le Mystère
Originel est évidemment compris comme une réalité non-personnelle. Mais réalité
non-personnelle ne signifie pas impersonnelle. En effet le concept de
«personne» est une catégorie de la pensée humaine qui individualise et limite
dans le temps et l’espace un être humain donné. Cette catégorie, de toute
évidence, ne peut pas être appliquée à Dieu, si on le conçoit comme Énergie
d’Amour, comme Source de Vie qui coule et circule dans tout ce qui est vivant
et qui, dans l’Univers, atteint la conscience de soi seulement dans l’être
humain. Pour moi, humain, cette vie que je possède, je la vis en Dieu et Dieu
vit sa vie en moi et par moi. Et cela n’a rien d’impersonnel; au contraire,
cela peut constituer l’expérience personnelle la plus exaltante. De sorte que
plus je vis ma vie en plénitude, plus Dieu se manifeste dans ma vie et dans le
monde. Et lorsque, au soir de mon existence, la matière de mon corps, affaiblie
par l’usure du temps, ne sera plus capable de retenir la vie, celle-ci ne
s’échappera pas définitivement; mais elle sera seulement réabsorbée pour
toujours par la Source
d’où elle a coulé et qu’elle a contribué à rendre plus luxuriante. Ma mort sera
comme la feuille qui s’est détachée de la branche, non pas pour se perdre dans
le vide ou le néant, mais pour se confondre avec le terreau duquel l’arbre continuera
à tirer sa vie. Je serai repris dans le Courant ou la Sève de Vie qui a fait surgir
l’arbre ainsi que toute la forêt.