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lundi 26 décembre 2016

L'UTOPIE DE JÉSUS OU LE RÊVE DES CHRÉTIENS

 (Mt. 11,2-11 - 3e dimanche de l’Avent A)

Les livres prophétiques de la Bible annoncent presque à l’unanimité qu’un jour Dieu interviendra dans notre monde, qu’il se manifestera en force et qu’il changera le cours de l’histoire, ainsi que le cœur et la vie des hommes, en instaurant sur terre un royaume de justice, de liberté d’amour et de paix. Cette annonce a pris le nom d’Utopie biblique.

Une Utopie, (comme l'étymologie du mot l’indique) est quelque chose (un événement, une situation, un état), qui n’a pas de «topos», c’est-à-dire qui n’a pas de place, qui n’existe nulle part, mais dont on souhaiterait ardemment la réalisation ou l’implantation sur notre terre. Elle fait partie des rêves. Or les rêves, avec un peu de chance, peuvent devenir réalité si on lutte assez fort pour qu’ils adviennent. Contrairement aux autres grandes religions, le rêve et la pensée utopique sont une composante essentielle de la religion judéo-chrétienne.

Il y a différentes spiritualités et différent courants de pensée dans les religions. Il y a des religions, comme le bouddhisme, le shintoïsme, le taôisme, qui expérimentent le sacré dans la prise de conscience de soi-même, dans la sagesse, les vertus morales, l’intériorité, la méditation et la pensé silencieuse, l’expérience d’une libération des passions et des convoitises de la vie, dans l’apaisement et l’illumination intérieure ; dans la découverte de la non-dualité ; dans la dissolution du «Moi» dans le »Tout».

D’autres religions, comme l’Hindouisme et les religions primitives, expérimentent le sacré dans la nature, le cosmos, dans l’unité, la syntonie, la connectivité et l’interdépendance de tout ce qui existe et qui devient expression de virtualités sacrées, d’énergies divines, de forces mystérieuses qui produisent beauté et émerveillement.

La religion de la Bible (judéo-chrétienne), pour sa part, a expérimenté le sacré dans l’histoire des hommes, en s’imaginant la possibilité d’une relation personnelle avec la divinité et d’une irruption du divin dans notre monde, afin de créer une société humaine fondée sur la justice, la paix et l’amour. Dans cette vision, les principaux bénéficiaires du monde restauré dans la justice, la paix et l’amour sont évidemment ceux qui sont mal-aimés, ceux qui subissent violence et injustice : donc les pauvres, les exploités, les opprimés, les persécutés, les exclus et les souffrants de toutes sortes … Ce qui est bien exprimé dans le psaume 145 de ce dimanche:
Le Seigneur fait justice aux opprimés;
Il donne du pain aux affamés;
Le Seigneur délivre les captifs ;
Le Seigneur ouvre les yeux des aveugles ;
Le Seigneur redresse ceux qui sont courbés ;
Le Seigneur aime les justes.
Le Seigneur protège l’étranger,
Il soutient la veuve et l’orphelin ,
Il renverse la voie des méchants. 
D’âge en âge, le Seigneur régnera.

Cette utopie de la Bible juive, reprise ensuite par les évangiles, a pris le nom de «règne de Dieu », car lorsque Dieu règne, le monde se transforme. Jésus de Nazareth a fait de ce rêve biblique le combat de sa vie et il est mort pour essayer de le réaliser. Ce rêve il l’a transmis à ses disciples comme une mission à accomplir, comme la preuve de leur appartenance et le signe de sa présence : «Faites cela en mémoire de moi ». Et depuis ce temps, l’instauration du règne de Dieu est devenue l’aspiration, le désir et la prière fondamentale de tous ceux et celles qui ont suivi le Prophète de Nazareth. Et c’est pour cela que les chrétiens lorsqu’ils prient avec les mots que Jésus leur a laissé, disent: «Notre Père qui es aux cieux que ton règne vienne, Marana tha.» .

L’Avent est essentiellement ce temps où nous, les chrétiens, revivons ce projet de Jésus qui maintenant est devenu le nôtre et où nous replongeons dans ce rêve du Maitre de Nazareth qui est au centre de notre foi. C’est pour cela que cette période de l’année liturgique est caractérisée par le désir, l’attente, l’espoir que ce désir d’un monde nouveau et différent s’accomplisse enfin. L’espoir produit en nous la vertu de l’espérance.

L’Avent est donc un temps où nous sommes appelés à réfléchir sur cette dimension essentielle de notre foi pour nous interroger jusqu’à quel point nous l’avons assimilée ; jusqu’à quel point elle nous passionne, nous fait vibrer ; jusqu’à quel point elle motive nos engagements et nos actions. Car, en regardant l’état actuel de notre monde et surtout de notre société occidentale, qui a pourtant baigné pendant presque deux millénaires dans une culture chrétienne, on a l’impression que le christianisme a oublié ou évacué le rêve de Jésus, que les chrétiens ont failli à leur tâche et qu’ils ont bâillonné autant l’Utopie que l’espérance.
           
L’évangile de Matthieu présente Jean le Baptiseur comme un prédicateur qui demande à ses contemporains de se convertir parce que le royaume de Dieu est proche. En ces temps anciens de mentalité préscientifique et apocalyptique l’habitude à imaginer des irruptions soudaines de divinités dans notre monde pour s’immiscer dans les affaires humaines était très rependue et servait souvent de stratagème publicitaire pour faire bouger ou attirer les foules. Aujourd’hui ce langage apocalyptique que le Baptiste utilisait n’a plus d’impact sur nous. Aujourd’hui nous comprenons que nous ne devons pas attendre que le règne de Dieu nous tombe du ciel tout prêt et tout fait, et que nous devrions l’attendre en nous frappant la poitrine. Nous comprenons que nous ne devons pas nous convertir parce que le règne de Dieu est proche, mais, au contraire, que le royaume de Dieu ne pourra se rapprocher de nous et de notre monde que si nous nous convertissons, enmodelant notre cœur, nos pensées et notre esprit sur le cœur, la pensée l’esprit et le comportement de Jésus.

Jésus disait que le royaume de Dieu est déjà en nous, comme un germe, comme une possibilité, comme une promesse. Ce qui veut dire que la constructions d’un monde meilleur, car plus juste et plus humain, dépend de ce que nous sommes, des valeurs qui nous habitent, de la qualité de notre cœur, de la sensibilité, de l’attention, du respect, de la passion, de la compassion et de l’amour avec lesquels nos entrons en relation avec Dieu, le monde, la nature et les êtres vivants qui nous entourent. C’est en nous que le Royaume de Dieu prend sa naissance. C’est de nous que dépend la réalisation sur terre des conditions qui permettent aux humains d’y vivre avec la dignité des enfants de Dieu.

À nous donc, les chrétiens, est confiée la tâche de donner consistance et réalité à l’utopie de Jésus. Jésus s’y est attelé de toutes ses forces ; il en a présenté les signes et les prémices à Jean le baptiseur qui, du fond de sa prison, s’interrogeait sur le sens de la mission de ce jeune prédicateur. Jésus lui envoie un message pour lui dire: «Rassure-toi, le royaume de Dieu que tu as annoncé est en train de se bâtir. En voici la preuve : le aveugles voient, les boiteux marchent, les sourds entendent, les morts récupèrent la vie et cette bonne nouvelle se répand déjà parmi les pauvres et les maganés de la vie…. L’espérance et l’espoir s’allument dans le cœur et l’esprit de ceux qui m’écoutent et me suivent …»

Les disciples de Jésus sont des personnes convaincues que notre le monde est habité par la présence de l’Esprit de Dieu. Alors, comme le Nazaréen et à sa suite, devenons aussi des individus qui ne se laissent pas abattre par la constatation du mal, mais qui croient à la prépondérance du bien en ce monde et en la force innovatrice de l’amour que le Grand Esprit a déposé dans les profondeurs du cœur de l’homme.     


BM




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