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lundi 20 février 2017

«Aimez vos ennemis ....»


La solution à nos problèmes:  non plus  dans la force de la violence,  mais dans la force de l’amour

(Mt.5, 38-48. - 7e dimanche Ord. A)

Ce passage de l‘évangile de Matthieu présente encore à notre réflexion des extraits du discours des Béatitudes que la liturgie nous fait lire au cours de ces dimanches du temps ordinaire. Ces textes sont d’une nouveauté et d’une intensité spirituelle extraordinaires. Malheureusement, le temps à notre disposition ne nous permet pas de les développer comme ils le mériteraient. Comme d’habitude,  je me limiterai à attirer votre attention sur quelques aspects de la pensée du Maître Jésus que ces textes nous dévoilent.

« Vous avez entendu qu’il a été dit : Œil pour œil dent pour dents… »

Dans le livre de l'Exode, il est dit : «S'il arrive malheur, tu paieras vie pour vie, œil pour œil, dent pour dent, main pour main, pied pour pied, brûlure pour brûlure, blessure pour blessure, meurtrissure pour meurtrissure» ( 21-23-25). C’était la loi du talion.

Pour nous, cela semble brutal, cruel, sauvage, et c’est vrai ! Cependant, nous devons considérer que cette directive de la loi mosaïque constituait pour l'époque une grande amélioration dans la marche évolutive des civilisations. En fait, avant ce moment-là, si quelqu’un du clan était tué, les habitudes et les normes en vigueur permettaient de tuer tous les membres du clan opposé. Autrement dit, il n'y avait pas de limite à la vengeance. Avec la loi du talion était appliqué un frein, était tracé une frontière à l’expression de la haine, en permettant un règlement de comptes qui fût proportionnel à l’injustice ou au dommage subis. Le dicton « œil pour œil et dent pour dent » était en fait une forme de modération et de mesure : la réaction devait être proportionnée au préjudice reçu.
Aujourd’hui encore, même dans notre société moderne et soit disant civilisée, cette loi primitive du talion pourrait beaucoup aider à contenir la spirale de la violence dans le monde et à marcher vers une meilleure forme de justice, si on s’en tenait strictement à elle. Combien de fois, hélas, nos réactions sont disproportionnées à l’action. Sans aller chercher dans les relations internationales, dans des guerres modernes, dans les antagonismes religieux, les manifestations du terrorisme, pensons tout simplement aux relations dans la famille, au travail, au volant d’une voiture où souvent un petit geste, un mot de plus ou mal placé déclenche toute une chaîne de réactions excessives, chargées de colère et de violence.

« Vous avez appris qu’il été dit : tu aimeras ton prochain et tu haïras ton ennemi…»

Au temps de Jésus tout le monde attendait un Messie guerrier qui devait détruire les ennemis d'Israël. Pour les juifs du l’époque de Jésus, c’était presque un devoir civil et religieux, un signe de zèle et de foi, que de haïr les ennemis, identifiés presque toujours avec les représentants de la puissance étrangère d’occupation, et donc avec ceux qui ne partageaient pas leur religion et leur culture. Le psaume 139, 21 à 22 dit : «Seigneur, comment pourrais-je ne pas haïr ceux qui te haïssent, et ne pas mépriser ceux qui se lèvent contre toi. Oui, je les hais d'une haine parfaite, je les considère tous mes ennemis».

C’est dans ce climat d’agressivité, d’intolérance que le phénomène « Jésus de Nazareth » fait son apparition en Palestine. Et que proclame-t-il ?

« Aimez vos ennemis et prier pour ceux qui font du mal et vous persécutent »

Ça va pas, non !? Mais il est fou ! Il a perdu la tête ! Je pense que c’est sans doute ainsi qu’ont dû réagir ceux et celles qui pour la première fois ont entendu ces paroles. Cette directive de Jésus sur l’amour des ennemis on ne la retrouve plus nulle part ailleurs dans les écrits du NT. On dirait que même les écrivains chrétiens du premier siècle ont cherché à l’oublier, tellement elle était inconfortable et dérangeante.

Sous-jacente à cette proposition d’un amour inconditionné envers tous, incluant les ennemis, il y a une nouvelle perception de Dieu. Le Dieu de Jésus n’est plus un être violent. Avant Jésus, on croyait que la grandeur de Dieu consistait dans sa justice qui peut punir et se venger. Jésus dit non ! La grandeur de Dieu est dans son amour, fait de compassion et de miséricorde. Dieu aime tous, bons et pas bons, sans distinction. C’est un Père qui fait lever son soleil sur les vilains et sur les gentils; qui fait pleuvoir sur les justes et les injustes. Dieu n’enverra donc personne faire la guerre aux Romains. Dieu n’est pas là pour arranger nos problèmes politiques et faire triompher nos causes. Jésus était convaincu que la force de la violence ne peut résoudre ni aucun conflit, ni aucune adversité, mais seulement les multiplier et les empirer, en produisant encore plus de misère et de souffrances. La seule solution à nos problèmes nous devons la chercher non plus dans la force de la violence, mais dans la force de l’amour.

Que faire alors ? Disaient tous ces juifs désenchantés. Nous soumettre avec résignation au tyran ? Accepter l'injustice ? Gardez le silence devant les abus ? Abandonnez pour toujours l'espoir d'un monde nouveau ?
Pas du tout ! Jésus n’est pas stupide. Il sait très bien que l’on n’a pas le contrôle de nos émotions ; que l’on ne peut pas commander à nos sentiments et qu’il est donc impossible de ressentir de l’affection et de la sympathie (ne parlons pas d’amour !) pour celui que te frappe, qui t’insulte, qui te tyrannise, qui t’humilie, qui te harcèle, qui te viole, qui te fait du mal. Et qu’il est nécessaire et même obligatoire de réagir et de lutter devant la méchanceté et l’injustice.  

Jésus cependant propose une autre façon de réagir ; un autre style de lutte. Et c’est en cela que consiste la nouveauté et l’originalité de sa proposition ! Il nous dit: Ne paye pas ton ennemi avec la même monnaie que la sienne. Continue à lui donner du bon et du bien. Si tu lui donne du mal et de la haine, tu deviendras méchant et haineux comme lui. Tu ne vaudras pas plus que lui. Si tu permets à ton ennemi d’empoisonner ton cœur avec la rancune et le désir de vengeance, il aura gagné deux fois sur toi : la première fois, parce qu’il aura réussi à te faire du mal ; et la deuxième fois parce qu’il aura réussi à te transformer en une copie de lui-même, en pervertissant ton esprit à l’image du sien. La victoire du tortionnaire est totale, lorsque la haine qui l’anime réussit à contaminer l’âme de la victime.

Jésus ici propose donc aux siens une nouvelle façon d’agir et de réagir qui les fait aller au-delà de ce qui est le comportement habituel. Ce nouveau comportement nous surprend. Mais il possède la capacité de couper à la racine la spirale du mal, de la haine et de la violence. Quelqu’un veut prendre ton manteau ? Laisse-lui aussi ta veste. Quelqu’un t’oblige à faire un kilomètre de route ? Fais-en deux avec lui. Quelqu’un te gifle sur la joue droite ? Tends- lui aussi la gauche. De cette façon tu désarmeras ton adversaire ; tu le confondras ; tu le désorienteras ; tu le désarçonneras par l‘attitude opposée de ta mansuétude, de ta douceur et ta gentillesse. Il sera impressionné par la maîtrise de tes gestes, par ton courage et la qualité de ta personnalité. Devant la beauté de ton âme, il sera renvoyé à la turpitude de la sienne. Et il en aura honte. Et il ne saura plus comment se comporter. Alors, toi, le doux, tu seras le vainqueur et lui, le violent, sera le vaincu. Toi, le faible, tu remporteras la victoire, et lui, le fort, sera défait. Et cela même si dans sa rage il réussira à t’envoyer au tapis.

 Je pense que c’est peut-être cela que Jésus voulait nous faire comprendre lorsque dans son discours sur les Béatitudes il affirmait que les doux conquerront et posséderont la terre.

BM  2017


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