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mardi 16 mai 2017

3. DU JÉSUS DE L’HISTOIRE AU CHRIST DE LA FOI


JÉSUS N’A  FONDÉ  AUCUNE  RELIGION

La théologie catholique affirme que Jésus est le fondateur de l'Église. Cette affirmation semble cependant se baser davantage sur l’idéologie que sur l’évidence historique. Les conclusions de l’exégèse historico-critique ainsi que celles de nombreuses études sur les origines du christianisme éditées dans la deuxième moitié du XXe siècle, sont unanimes à admettre que Jésus de Nazareth n'a jamais voulu fonder ni une nouvelle “religion”, ni une nouvelle organisation religieuse. Le fait que Jésus de Nazareth, à la suite de Jean le Baptiste, ait été impliqué dans un mouvement apocalyptique qui croyait imminente la fin des temps et la venue d’un Messie qui devait exercer le jugement définitif sur l'humanité arrivée à son terme, empêche d'attribuer à Jésus l’intention de vouloir commencer une œuvre destinée à se prolonger dans le temps. Jésus serait aussi perdu et mal à l'aise dans l’institution et la théologie de l'Église catholique que le Pape dans une école de Bouddhisme Vajrana.

Jésus est un juif et non pas un chrétien. Sa prédication et son message se situent à l'intérieur du judaïsme ou, si l'on préfère, à l'intérieur d'un mouvement de réforme de la pensée religieuse juive. Du Maître de Nazareth on peut affirmer avec certitude qu'il fut à l'origine d'une crise et d'une rupture avec le judaïsme traditionnel et qu’il fut l'initiateur d'un mouvement spirituel qui donna ensuite naissance au christianisme et à la religion chrétienne. Le christianisme en tant que religion n’est donc pas son œuvre, mais le produit autant de la réflexion postérieure et des circonstances historiques que le résultat de stratégies et d’intérêts humains. On trouve un écho lointain des paroles et des gestes du Galiléen dans la littérature apocryphe et canonique (Évangiles, Actes, Épîtres, etc.) de la deuxième moitié du premier siècle et du début du deuxième, dans laquelle a été consigné le témoignage de la foi des communautés chrétiennes des origines. Malheureusement, l'originalité et la nouveauté du message de Jésus de Nazareth ne se sont pas conservées longtemps. L'Évangile de Jésus s'est transformé au fur et à mesure de sa transmission. Son contenu a été interprété, sa charge explosive a été diluée et étouffée sous la logorrhée des subtilités et des byzantinismes de la spéculation philosophique au service des exigences politiques et religieuses de l’institution et du pouvoir 22 .Dans le produit final des dogmes, il est souvent difficile de retrouver la fraîcheur primitive de la prédication du Nazaréen23 . Le Christ théologique produit par cette réflexion n'a plus grand chose en commun avec le Jésus historique. L'Église prétend pourtant se référer au Jésus de l'histoire, proclamer son message et incarner son esprit. En réalité, elle ne se réfère qu’à un Christ qu’elle a fabriqué pour justifier son idéologie et soutenir son pouvoir.

Ce n'est pas mon intention décrire ici les péripéties de cette dérive, ni les détails du processus par lequel le discours chrétien, séquestré par l'institution ecclésiastique, est devenu en fait une idéologie au service du pouvoir et un système dogmatique au service de la saine “orthodoxie”. Qu'il suffise de dire que c'est la réflexion théologique de Paul de Tarse, continuée et élaborée par celle des philosophes chrétiens d'origine helléniste, qui a fournit les concepts de base permettant la transformation du mouvement chrétien en une “religion” hiérarchiquement et idéologiquement organisée.


PAUL DE TARSE ET L’ÉMERGENCE DU «CHRIST»

La grande majorité des historiens et des exégètes modernes s’accordent pour affirmer que le véritable fondateur du christianisme n'est pas Jésus de Nazareth, mais Paul de Tarse. C'est Paul le théoricien qui a su donner au mouvement spirituel issu de Jésus sa configuration théologique. C’est lui qui en a fait un système doctrinal structuré et systématique dans lequel la pensée de l'Église s'est reconnue et qu'elle a ensuite officiellement adopté.

Nous ne connaissons pas exactement quelles ont été les causes à l'origine de la conversion de ce pharisien zélé que fut Paul de Tarse. Nous savons que ce traqueur de chrétiens est devenu subitement chrétien lui-même. Ce qui a pu le faire tomber du haut de ses assurances juives et le pousser à embrasser la foi des disciples du Crucifié, restera toujours un mystère. Après coup, Paul attribuera ce renversement à une intervention du Seigneur dans sa vie. Nous ne savons pas ce qui dans le mouvement chrétien a déclenché sa conversion. Ce qui est sûr, c’est que les certitudes de ce pharisien ont été chambardées par l’“évangile” de Jésus tel qu’il était vécu et interprété dans les traditions chrétiennes en circulation à son époque, surtout celles à caractère messianique. Sous l’influence de ces traditions, le juif Paul a compris que le vrai Dieu de sa foi n'était pas celui de la Loi, mais celui du Crucifié ; et que le vrai visage de Dieu n'était pas celui esquissé par la Loi, mais celui qui apparaissait à travers la personnalité de l’“Envoyé” de Dieu. Cette rencontre avec la pensée et l’enseignement du Prophète de Nazareth sera déterminante pour sa vie et marquera désormais l’orientation future de sa pensée. Elle fera de lui l'apôtre des “gentils” et le héraut de l'universalité du salut.
 Paul a été presque contemporain de Jésus ; mais il ne semble pas l’avoir connu personnellement. Il n’attache d’ailleurs aucune importance aux détails matériels et aux faits concrets de vie de l'homme de Nazareth. Lorsqu'on lit les lettres de Paul, on a l'impression que son “Christ” est totalement différent de Jésus et que le Christ de sa théologie est étranger au Jésus de l'histoire. Paul ne s'intéresse pas au Jésus de l'histoire, mais seulement au Christ de la foi. Sa première lettre aux Thessaloniciens a été écrite autour des années 50, c'est-à-dire une vingtaine d'années après la mort de Jésus. Ses écrits précèdent la rédaction des quatre évangiles canoniques. L'Évangile de Marc, le plus ancien des Évangiles, a été composé entre les années 65 et 70. Cela signifie que lorsque les évangélistes rédigeaient leurs évangiles, ils connaissaient très probablement la pensée de Paul et la présentation du Christ proposée par la tradition paulinienne. On peut donc supposer que le portait paulinien du Christ a pu influencer l’image de Jésus présentée dans les Évangiles.



 Le Jésus de Paul est une figure sortie toute d'une pièce de sa culture juive, de son expérience religieuse et de son exaltation mystique. Ce Jésus n'a rien de l'homme, de l'humain et du mortel. Pour Paul, Jésus de Nazareth n'existe pas, ou n'existe plus. Jésus de Nazareth a été remplacé par le Christ et le Seigneur. Paul dit ouvertement que le Jésus “selon la chair” ne l'intéresse pas et qu'il ne le connaît pas24. Il est maintenant exclusivement intéressé par Dieu qui s'est servi de la personne de Jésus pour se manifester aux hommes. Paul est convaincu que c'est Dieu qui a transformé Jésus en Christ et Seigneur. Le Jésus de Paul n'est pas un homme qui a vécu dans l'histoire et le temps, mais le Ressuscité et le Glorifié qui vit en dehors de l'histoire et du temps, assis à la droite de Dieu.

Dans la pensée de Paul donc Jésus-Christ est plus du côté de Dieu que du côté de l’homme. Il est tellement proche de Dieu qu'il en assume les prérogatives. Non seulement Paul parlera toujours de Jésus comme du Christ, mais il transposera carrément sur ce Christ les attributs et les caractéristiques de Dieu. Il fera de lui un être divin, un Dieu25, un égal à Dieu26, qui, comme Dieu, existe de toute éternité, né avant les siècles, “Fils de Dieu” qui opère avec la puissance de Dieu. Par sa naissance humaine ce” Fils de Dieu” est devenu seulement “semblable aux hommes”. Par son aspect il a été reconnu comme un homme pendant la brève période de son apparition terrestre ; mais en réalité il était fait de l’essence de Dieu. Comme tout fils d'homme, Jésus est mort. Mais Dieu, pour garantir la vérité de son message, l'a relevé de la mort et lui a redonné la puissance et la gloire qu'il possède de toute éternité, en tant que Fils de Dieu et Seigneur, afin que devant lui tout genou fléchisse et qu'il soit le Seigneur incontesté des morts et des vivants. Comme Dieu, le Christ de Paul est partout et en tous27; et comme Dieu, il est l'objet ultime de l'aspiration de l'homme et la source de sa béatitude et de son bonheur28.

Sous l'effet de la réflexion paulinienne, Jésus de Nazareth est devenu un être divin.  Cependant la formation juive de Paul l'empêchait d'attribuer à Jésus une divinité comprise dans le sens “ontologique” du terme. Paul a gardé la conception juive de Dieu et il l’a simplement transposée et appliquée à la personne de Jésus. Paul est un juif qui a essayé d'intégrer à sa mentalité juive les données de base du mouvement spirituel issu de l'homme de Nazareth. Ainsi Paul offre-t-il au Christ le même culte et la même adoration qu'au Dieu de ses ancêtres. Avec cette différence, cependant, que le Dieu de Paul se présente maintenant avec le double visage d'un Père et d'un Fils. En définitive, Paul a voulu rendre acceptable la foi en un Crucifié et rendre possible une doctrine du salut qui avait en Jésus son point de référence. Paul a voulu faire comprendre que ce n'était ni stupide ni insensé de suivre l'homme de Nazareth, puisque cet homme n'a plus rien d'un homme. Dans les lettres de Paul le Christ est devenu le médiateur par qui on va à Dieu et le seul chemin vers le salut. Mais dans la théologie paulinienne l'accès à Dieu semble être plus compliqué que l'accès à Dieu dans la pensée juive traditionnelle et dans la pensée de Jésus lui-même. On a l'impression que la doctrine de Paul a passablement embrouillé les choses et rendu plus difficile la rencontre de l'homme avec Dieu. Le chrétien est ainsi aux prises avec deux personnes divines et même trois, si on considère le rôle important de l'Esprit dans la pensée paulinienne.


Était-ce vraiment cela l' “évangile” de Jésus de Nazareth? Paul est-il vraiment un interprète fidèle de l'enseignement du Maître ? La pensée de Paul est-elle le reflet véridique de l'esprit de Jésus ? Ou est-elle plutôt le résultat de l'esprit de ce pharisien qui a voulu couler la pensée juive dans la nouveauté chrétienne, en utilisant les instruments de la diatribe rabbinique et de la rhétorique hellénistique ? Chose certaine : Paul bâtit sa théologie à partir presque exclusivement d'une “métaphysique” du Christ ressuscité et glorifié, en se servant des concepts de base de la pensée religieuse juive qu'il réinterprète et complète en clef chrétienne : résurrection, alliance, salut, loi, justice, justification, expiation, rédemption, pardon.
 Dans la partition de Paul la musique n'a pas vraiment changé. Paul a tout simplement transposé en clef chrétienne l'ancienne mélodie juive. Avec Paul on est encore dans le monde de la religion et de ses catégories. Nous retrouvons encore la religion traditionnelle basée sur le respect, la crainte, l'obéissance à un Dieu qui est bon, qui nous aime, certes, mais qui reste, tout de même, revêtu des prérogatives et des attributs traditionnels de la divinité : élevé, puissant, en gloire, dans les cieux, il vient nous juger. Ce pharisien converti construit finalement sa synthèse doctrinale à partir d'éléments juifs.
 Quant au message libérateur de Jésus tel qu’il se manifeste dans le discours sur la montagne ou dans les récits symboliques des miracles, pas un mot dans ses lettres.  Pas une seule parole de Jésus n’est citée par Paul, sauf quand il rapporte les paroles du Maître à la dernière cène29 . Même ses abondantes exhortations morales n'ont presque rien de spécifiquement chrétien. Si l'on fait abstraction des fréquentes références à Jésus-Christ, elles auraient pu être formulées par n'importe quel rabbi juif. La particularité de la pensée de Paul consiste à vouloir étendre le salut du Dieu de Jésus-Christ à tous les humains, sans aucune distinction de culture, de statut social, de sexe et de religion ; et de faire de l'appel au salut une initiative gratuite et inconditionnée de Dieu.

En conclusion, on peut dire que, dans la systématisation de Paul, l’intuition originale du Prophète de Nazareth semble déjà considérablement diluée. Par contre, en sublimant, en exaltant et en divinisant l'homme de Nazareth, Paul a procuré à l'Institution ecclésiastique les outils et le matériel de sa propre construction. L’Institution ecclésiale trouvera en Paul un puissant allié. La pensée de l’apôtre fournit à l’Église les assises idéologiques qui lui permettront de légitimer son existence et de justifier son pouvoir.



(Extrait du livre de Bruno Mori, Effondrement , Montréal 2003)









22. Pour mieux comprendre les origines du fait chrétien et les phénomènes  religieux, politiques et culturels qui ont transformé le mouvement spirituel issu de Jésus de Nazareth en une  "religion" institutionnelle et institutionnalisée, nous  renvoyons le  lecteur  à l'excellent ouvrage de  Mauriche Sachot, L'Invention du Christ - Genèse d'une religion, Ed. Odile Jacob, Paris 1998.
23.  Nous renvoyons le lecteur aux travaux de Régis Debray, fondateur  d'une nouvelle discipline nommée "médialogie" qui soutient et  montre  comment le moyen ou le tuyau de transmission  du message, métamorphose et crée le message  lui-même: "La transmission est un transport qui transforme".  (Cfr. Les enjeux et les moyens de la transmission, Ed. Pleins Feu, 1998; Transmettre, Ed. Odile Jacob, 1997)
24. 2Cor.5,16.
25. Rm 9,5.
26.Phil.2,6-11;Col.1,15; 2Col. 8,9; Rm .8,3; Rm.. 5,19.
27.Ga.2.20; 3,27; 2Cor.13,5; Eph.3,17.
28.Ph.1,20-23; 3,3-9.
29. Co.11,23-26.

2. LE MESSAGE DE JÉSUS


JÉSUS ET LA LOI


L’Église se présente comme une Institution basé sur une structure juridique et gérée  donc par des lois. Si la loi est si importante pour l’Église, il est sans doute intéressant de voir si elle l’est autant pour Jésus. Une chose est certaine : l’attitude de Jésus face à la Loi (la Torah) tranche avec celle de ses contemporains. Pour les Juifs du temps de Jésus, la Loi était la révélation et l'expression par excellence de la volonté de Dieu. Elle était le signe et le résultat de l'Alliance que Dieu avait établie avec le peuple hébreu. La fidélité à la Loi de Moïse était ce qui définissait et distinguait ce peuple élu de tous les autres peuples de la terre. L'observance des prescriptions de la Loi était pour le juif garantie d'appartenance, de grâce, de prospérité et de bonheur. Or Jésus semble critiquer la conception que les autorités religieuses de son temps avaient de l’importance de la  Loi pour obtenir le salut. Pour Jésus la Loi est certes un signe d'appartenance, mais pas un moyen de salut. Il rejette la prétention juive de faire de la Loi un absolu. Sans nier l'importance de la Loi, il la relativise, en affirmant que la fonction de la loi est d'être au service de l’homme ; et que la loi perd son autorité lorsqu’elle piétine les droits ou empêche le bien-être et le bonheur des personnes. Jésus pratique ainsi une critique de la Loi, non pour la détruire, mais pour la purifier et pour en faire comprendre la véritable fonction. Jésus a compris que le salut des humains vient exclusivement de Dieu et non de l'observance de la Loi. La Loi est bonne si elle mène à Dieu et à l'amour du prochain ; il faut l'abandonner quand elle va dans le sens contraire. Jésus a compris que l’être humain est aimé par Dieu, non pas parce qu'il observe la Loi, mais tout simplement parce qu'il est une personne et  parce qu'il est son enfant. Jésus a compris que l’on peut être aimé de Dieu même en ne faisant pas les œuvres de la Loi. C‘est pour cette raison qu’il enseigne que tous les hommes (et non seulement les membres du peuple élu) sont les fils chéris de Dieu et qu’ils sont aimés par lui sans conditions, indépendamment de leurs qualités, de leurs prestations et de leurs appartenances. Jésus a compris que Dieu a élu tous les peuples pour faire partie de son royaume. Et que la marque de l’appartenance à Dieu, chaque personne la porte gravée dans la grandeur et la dignité de sa nature humaine et non pas dans la circoncision de sa chair.

Jésus affirme cette chose inouïe : que Dieu aime même ceux qui transgressent la Loi ; et que souvent il faut même la transgresser pour se montrer dignes de l'amour de Dieu. Jésus soutient   que parfois la transgression de la Loi peut être le signe d'une fidélité plus grande à Dieu ; et que souvent les bannis de la Loi sont ceux qui ont la meilleure place dans son cœur ; et que ceux qui sont les derniers dans la société de ce monde, seront les premiers dans son Royaume. C'est pour cela qu'il fréquente volontiers les marginaux de la société et qu'il est stigmatisé comme un “glouton et un ivrogne, un ami des collecteurs d'impôts et des pécheurs” (Luc,7,34). Il est en effet convaincu que tous ces individus, que la Loi étiquette comme “pécheurs” sont extrêmement aimables aux yeux de Dieu, son Père. Pour Dieu ces êtres ont de la valeur, non pas à cause de leurs pratiques religieuses ou à cause de leur obéissance aux dispositions de la Loi, mais parce qu'ils sont tout simplement des humains qui portent dans les profondeurs de leur être l'empreinte de son image et les signes de sa présence.


Jésus a ainsi opéré une séparation totale entre la bienveillance de Dieu et l'observance de la Loi ; ou, pour le dire en termes théologiques, entre la ”grâce” et le “mérite”. Jésus a fait de la certitude de l'amour inconditionné de Dieu pour les humains, au-delà de toute prestation et de tout “mérite”, la ligne inspiratrice de son activité et le cœur de son message. À cause de cette certitude, il n'a pas hésité à s'exposer aux horreurs d'une exécution sur une croix. Jésus ne s'est pas soustrait à l'infamie d'une mort en croix, parce qu'il était convaincu que la malédiction que la Loi faisait peser sur lui, en tant que coupable selon la Loi, ne lui enlevait pas la certitude qu'il continuait à être le fils bien-aimé de son Père. Il savait que l'amour de Dieu, son Père, lui restait fidèle, malgré la malédiction que la Loi lui infligeait[i]. Si donc la Loi n'a pas réussi à faire de ce maudit un exclu de l'amour et de la bienveillance de Dieu, cela signifie que ce n'est pas la Loi qui détermine les dispositions de Dieu à l'égard des personnes. La Loi est impuissante soit à créer soit à détruire l'appartenance d’un individu au peuple de Dieu. "Mourant ainsi Jésus discrédite toute tentative de faire confiance à la Loi pour atteindre Dieu" [ii]

On comprend alors pourquoi cette mort a pu constituer aux yeux des premiers disciples, venus du judaïsme, un événement d'une importance capitale. Elle mettait un terme au règne de la Loi. La mort de Jésus enlevait à la Loi son aiguillon. La Loi ne faisait plus peur aux disciples du Crucifié. Ceux-ci se sentaient désormais définitivement libérés des contraintes et du joug de la Loi.  Grâce au témoignage de leur Maître, ils avaient compris que la Loi était incapable de séparer l’homme de l'amour de Dieu. Et la preuve que Dieu était du côté du condamné et non pas du côté de ses juges ; du côté du transgresseur et non pas du côté des justes selon la Loi, les disciples de Jésus l'ont vue dans le fait que Dieu a ”réveillé” pour toujours celui qui se proclamait son fils.


LE DIEU DE JÉSUS


Alors que le discours officiel de l’Église ne parle presque plus de Dieu, je trouve que l’originalité la plus exaltante et le cœur le plus impressionnant du message du Nazaréen résident dans la nouveauté de son discours sur Dieu. Jésus révèle un autre visage de Dieu. Ce visage de Dieu est nouveau, surprenant, déconcertant. C‘est un  Dieu “inattendu”, inédit [iii] que ce Dieu de Jésus! C’est un Dieu qui s’attendrit sur le faible, sur le malade, sur celui qui a mal dans son corps, dans son âme et dans son cour. Un Dieu faible, car impuissant devant la liberté de l'homme. Un Dieu qui souffre, qui pleure, qui attend patiemment celui qui a pris d'autres chemins. Un Dieu qui fête le retour de son enfant libertin sans poser de question, sans demander des comptes, avec une folle prodigalité. Un Dieu qui ne juge pas, qui n'humilie pas, qui ne prend aucun plaisir à punir mais qui, au contraire, est plein de miséricorde et de compassion. Un Dieu qui pardonne au-delà de toute mesure et de toute imagination. Un Dieu qui est à l'aise avec les petits, les faibles, les ignorants, les laissés pour compte, les opprimés, les persécutés, les esclaves, les personnes de mauvaise renommée. Un Dieu assez fou pour laisser le gros du troupeau sans protection afin de partir à la recherche de la seule brebis égarée. Un Dieu qui ne désire que le bonheur, la joie et l'accomplissement de ses enfants. Un Dieu qui est toujours à la portée du croyant et que celui-ci peut atteindre directement, sans besoin d’aucun intermédiaire. Et de ce Dieu, avec qui il est en relation immédiate, Jésus parle en connaissance de cause, comme s'il vivait dans une intimité unique avec lui, au point que l'Évangile de Jean lui attribue ces paroles : “Dieu vous ne le connaissez pas. Moi je le connais. Le Père et moi nous sommes un” (Jn.8,55).

Le Dieu de Jésus est un Dieu discret, qui déteste s'imposer par l'éclat, la puissance ou la force. Un Dieu qui ne veut jamais être ni gênant ni embarrassant. Qui se cache, se retire, se rend invisible et presque introuvable, pour permettre à ses enfants de prendre toute la place dont ils ont besoin pour grandir et se réaliser dans l'autonomie et la liberté. Le Dieu que Jésus nous manifeste est un Dieu amoureux de l'humanité. Devant ce Dieu si familier, si proche, si tendre, si bienveillant, on ne peut éprouver que des sentiments de confiance et d'amour, car il crée en nous la certitude que nous sommes tous aimés, acceptés, valorisés, justifiés par lui. Devant ce Dieu et avec ce Dieu les humains peuvent enfin vivre vraiment. Ils sont libérés de toutes leurs peurs : peur de la vie, peur de la mort, peur de soi, peur des autres. Ces peurs multiples qui les étouffent à ne plus pouvoir parler ; qui les courbent à ne plus pouvoir marcher ; qui les aveuglent à ne plus pouvoir voir clair dans leur existence. Ils peuvent vivre maintenant dans la confiance et la joie, assurés que le Dieu de Jésus les accepte tels qu'ils sont. Ils sont maintenant certains que le Dieu de Jésus ne veut qu'une chose : qu'ils soient des êtres pleinement humains. Car la mesure de leur humanité est aussi la mesure de leur bonheur et de leur accomplissement. En proposant cette nouvelle image de Dieu, Jésus suscite dans le cœur de ses disciples le besoin d’un changement intérieur. Il fait naître l’urgence d’orienter désormais différemment le cours de leur vie. La découverte du Dieu de Jésus bouleverse la façon de concevoir les rapports avec soi-même, avec Dieu et les autres. C’est une nouvelle mentalité et un nouvel esprit qui s’instaure. Et c’est cet “esprit” qui conduira et inspirera désormais la communauté chrétienne des croyants pour les siècles à venir.


LE  "ROYAUME  DE  DIEU"

  Pour représenter cette nouvelle vision de Dieu et des hommes, Jésus utilise l’expression : “Royaume de Dieu”. Dans la pensée de Jésus le Royaume représente un nouveau monde régit et gouverné finalement par l’esprit de Dieu. La venue du Royaume inaugure une nouvelle ère dans l’histoire des hommes, ainsi qu’une nouvelle façon de fonctionner, de concevoir les relations avec Dieu et les autres.  Dans ce Royaume les valeurs semblent   renversées.  Il instaure un nouveau style de vie qui renverse les règles qui, jusque-là, avaient géré les rapports entre les humains.  Non plus des rapports de pouvoir, de confrontation, de force ; non plus la haine, l'agressivité, la guerre, la jalousie, la peur. À la violence on doit répondre avec la mansuétude et à la haine par l'amour. À celui qui frappe sur la joue droite, on doit présenter la gauche. À celui qui veut voler le chapeau, on doit aussi lui laisser le manteau. Dans ce Royaume est grand celui qui se fait petit ; celui qui commande doit agir comme celui qui sert et les adultes doivent retrouver un cœur d'enfant.

Dans ce Royaume il n'y a plus ni de supérieur ni d’inférieur ; plus de patron  ni d'esclave. Ceux qui exercent une responsabilité et une charge ne se considèrent pas investis d'un pouvoir et d'une autorité qui les placent au-dessus des autres, mais ils s'estiment plutôt choisis pour une fonction qui les met, au contraire, au service de tous. Dans ce Royaume l'autorité ne sert pas à élever celui qui la possède, mais à faire grandir ceux sur qui elle s'exerce.  Dans ce Royaume les valeurs anciennes sont déclassées. L'argent, avec la richesse et le pouvoir qu'il donne, n'a plus de valeur. La force et la puissance, si elles se bâtissent sur l'exploitation des faibles et des pauvres, n'ont plus de valeur. La grandeur humaine, lorsqu'elle est arrogante, méprisante et autoritaire, n'a plus de valeur. Dans ce Royaume les premiers sont les derniers, le maître devient l'esclave, les grands se font petits, l'autorité se transforme en service, l'adversaire devient un frère, Dieu se fait homme, l'homme devient Dieu, car chaque humain est une icône divine dans laquelle Dieu s'exprime et se révèle continuellement. Ce message de Jésus brouille les repères traditionnels auxquels les gens religieux ont coutume d’accorder leur confiance. Il déstabilise les pratiques religieuses trop assurées d'elles-mêmes. Ce qui compte désormais c'est la certitude que Dieu nous est ami, qu'il nous aime et qu'il nous accepte tels que nous sommes ; c'est l'assurance que Dieu nous veut maintenant et qu'il nous voudra toujours ; c’est la découverte émerveillée que Dieu nous désire humains et donc limités et donc faibles et donc fragiles et donc défaillants et pécheurs. Si Dieu est cet Être aimant qui nous accepte dans notre finitude et si tous les autres sont des êtres aimés de Dieu, c’est dire qu’ils cessent d'être des adversaires. Avec cette certitude dans le cœur, les humains peuvent maintenant avancer dans la vie la tête haute, dans la confiance, la joie, la sérénité. Ils sont enfin libérés de la peur causée par la fausse idée que les autres, Dieu compris, sont des rivaux détestables, qui en veulent à leur vie et à leur bonheur.

C'est pour faire comprendre tout cela que Jésus, la veille de sa mort, au cours d'un repas pascal, s'agenouille comme un esclave pour laver les pieds de ses disciples afin qu'ils fassent le deuil de leurs ambitions avouées ou secrètes et qu’ils mettent fin à tout rêve de puissance et de gloire. Du coup, ils deviennent tous des frères ayant la même importance et la même dignité. Sont donc à jamais abolies les inégalités, les discriminations basées sur les différences de classe, de statut social, de sexe, de culture, de religion. Les différences s’effacent sous la robe éclatante de sa tendresse et de son amour. La table, le repas partagé, le banquet où tous sont invités, assume, dans le contexte du Royaume, un sens et une signification symbolique de grande importance. L'image du repas devient le symbole préféré de Jésus pour exprimer la façon nouvelle dont doivent maintenant vivre les disciples du Royaume.

(Extrait du livre de Bruno Mori, Effondrement , Montréal 2003)








7.Cfr. Deut.21,22-23:  "Si un homme pour son péché, a encouru la peine de mort, et que tu l’aies mis à mort et pendu à un arbre, son cadavre ne passera pas la nuit sur l’arbre; tu dois l’enterrer le jour même; car le pendu est une malediction de Dieu”.

[ii]. Daniel Marguerat, Paul de Tarse, Éd. Du Moulin, p. 35.
[iii]. Gerard Bessière, Jésus, le Dieu inattendu, Paris, Gallimard,”Découverte”, 1993.

1.LE DESTIN DE JÉSUS


 JÉSUS DE NAZARETH

Il est impossible d’entreprendre une réflexion sur l’Église sans posséder une certaine connaissance de la vie et de l’activité du Prophète de Nazareth qu’elle affirme représenter sur terre. Pour comprendre mon travail il est donc nécessaire de posséder une certaine connaissance de la personne et de l’œuvre de Jésus de Nazareth. Les livres sur Jésus de Nazareth remplissent des bibliothèques. J’y renvois donc le lecteur. Même si du point de vue historique on ne connaît pratiquement rien de Jésus, on peut cependant deviner l'esprit qui l'animait et l'originalité de ses intuitions, en les déduisant de la foi de ses premiers disciples, telle qu'elle s'est exprimée dans la littérature chrétienne des origines. Parmi les nombreux ouvrages qui traitent de origines du christianisme, je conseille au lecteur une courte étude de Lucette Woungly-Massaga sur Juda Iscariote  qui porte comme titre «Juda, mon ami»  (Ed. du Moulin, 1993). Dans cet ouvrage, l’auteur décrit, d'une façon magistrale, claire et synthétique, le climat politique, culturel et religieux qui régnait en Palestine lorsque Jésus de Nazareth fit son apparition sur la scène publique. La connaissance du contexte politique, culturel et religieux dans lequel le Nazaréen a vécu, est fondamentale pour la compréhension de son œuvre. Dans ce chapitre et le suivant, je traiterai   de certains aspects   de la vie et de  la pensée  de Jésus  qui ont le plus marqué  la réflexion postérieure  de la pensée chrétienne.

JÉSUS EXÉCUTÉ SUR UNE CROIX

La doctrine de l’Église soutient que la mort de Jésus sur la croix accomplit la rédemption de l’humanité. Ce supplice, qui répare les péchés des hommes, leur mérite la grâce et le salut de Dieu. À cause des bénéfices qu’elle a obtenus à l’humanité, la croix est devenue le symbole du christianisme et un objet de culte et de vénération.  Signe de rédemption et de salut, la croix s’est transformée, dans la spiritualité chrétienne, en symbole des sacrifices et des souffrances que les chrétiens doivent non seulement accepter mais aussi rechercher, s’ils veulent avancer sur la voie de la perfection et de la sainteté.


Toutefois, malgré le difficile respect que j’ai pour la théologie de la rédemption par la croix et l’étonnement que j’éprouve pour la naïve générosité et même l’héroïsme de ces innombrables chrétiens qui ont cru se sanctifier à travers la pratique d’une spiritualité austère, je me sens de plus en plus inconfortable devant la perception traditionnelle du rôle et de la fonction de la croix dans le catholicisme. Je suis d’avis qu’il est nécessaire de comprendre autrement la réalité de la croix si on veut qu’elle fasse encore du sens pour les hommes et les femmes du troisième millénaire.

La mort de Jésus sur la croix est le seul fait de sa vie qui soit historiquement certain. La raison principale de l’exécution de Jésus doit être cherchée dans la charge déstabilisatrice et révolutionnaire de sa prédication. On pourra partager ou non le contenu de son message ; on pourra être ou ne pas être d’accord avec ce que cet homme a dit et fait ; une chose toutefois me paraît certaine: en tant qu’être humain je ne pourrai jamais accepter que le désaccord s’exprime à travers la violence et la cruauté. Je ne pourrai jamais ratifier la haine et les raisons du pouvoir qui aboutissent à la destruction de la vie.  Je ne pourrai jamais approuver le fait que des humains puissent être anéantis par d’autres humains.  La croix sur laquelle Jésus a été supplicié est et reste donc, pour moi, un affreux instrument de torture. Elle est et elle reste pour moi le signe incontestable de la barbarie, de la haine et de la méchanceté humaine. Je suis absolument incapable de considérer comme un signe d’humanité et d’amour aucun engin construit pour tuer, que ce soit la croix, le bûcher, la guillotine, la chaise électrique ou l’arsenal sophistiqué et monstrueux des armes modernes.  Par quelle perverse tournure d’esprit, la spiritualité et la théologie catholique ont-elles pu arriver à faire de la croix le symbole de l’amour de Dieu pour les hommes, voilà quelque chose que j’aurai toujours du mal à comprendre.


Et pourtant le vendredi saint la liturgie catholique propose à ses fidèles le rite de la ”vénération” de la croix. À part le malaise que je ressens à utiliser le mot “vénération” pour un instrument de torture, ce rite m’a toujours paru non seulement religieusement incongru, mais humainement insupportable. Quelle société ou quel organisme pourrait avoir l’idée de proposer à leurs membres la vénération et le culte de l’engin qui a servi à faire souffrir et à faire périr leur maître, leur leader ou leur fondateur ?  Comment jugerait-on l’état mental d’un dévot de Sainte Jeanne d’Arc qui aurait l’idée de vénérer le bûcher sur lequel elle a été brûlée ? Cette triste cérémonie du vendredi saint a ses racines idéologiques dans la conviction que, par volonté divine, nous ne sommes sauvés que par la souffrance, que seulement la douleur est capable de réparer le péché dont nous sommes pétris et qui est la cause de tous nos malheurs.

J’ai la ferme conviction que la mort est toujours un drame et une catastrophe dans la vie d’un être humain. Elle ne peut jamais être ni aimée, ni voulue. Un homme qui chercherait volontairement à mourir ne serait pas dans son état normal. Je pense qu’il n’est donc pas exact d’affirmer que Jésus a voulu mourir sur la croix ; et que c’est une affirmation théologique tout à fait arbitraire celle qui cherche à attribuer à Jésus la volonté et même le désir de mourir pour accomplir le dessein de Dieu. Les textes bibliques (surtout l’Évangile de Jean) sur lesquels cette assertion se base, sont déjà le fruit et l’expression d’une interprétation théologique et de la divinisation de la figure de Jésus. Ainsi le Catéchisme de l’Église Catholique veut faire croire que “ce désir d’épouser le dessein d’amour rédempteur de son Père anime toute la vie de Jésus car sa passion rédemptrice est la raison d’être de son Incarnation10. Je pense qu’il est plus vraisemblable de supposer que Jésus, comme tout être humain normal, n’a jamais ni voulu, ni cherché, ni désiré sa mort ; et qu’il en a eu peur comme tout le monde. La mort de Jésus est le fruit de son courage et de sa force intérieure. Elle est, certes, l’aboutissement logique d’une attitude de cohérence et de fidélité à des convictions qui ont conduit le prophète de Nazareth à ne pas se dérober à une conclusion fatale de sa vie. Mais cette mort n’est certainement pas le résultat d’une attitude masochiste qui aurait poussé le Maître à désirer la souffrance pour plaire à Dieu ou pour sauver le monde. 

UNE MORT QUI SAUVE ?

Une certaine théologie catholique semble vouloir “fétichiser” la mort en croix de Jésus. Pour cette théologie nous sommes sauvés par le drame de sa mort et non pas par les événements qui ont tissé la trame de sa vie. Ceux-ci ne semblent avoir aucune valeur, puisque toute la puissance qui sauve jaillit exclusivement de sa mort. La vie de Jésus ne compte pas. Ce qui compte c’est sa mort! À la limite, Jésus aurait pu aussi bien passer tout son temps assis sur le perron de sa maison de Nazareth, le seul fait de mourir sur une croix aurait suffit à sauver l’humanité. Je suis plutôt d’avis que la valeur d’une existence d’homme est davantage donnée par la qualité de sa vie que par la qualité de sa mort. Une mort, surtout si elle est violente, peut être la conséquence d’une vie héroïque qu’elle peut même couronner avec le diadème du martyre ; mais elle n’ajoute à cette vie aucun contenu nouveau.  Martin Luther King restera toujours une grande figure dans l’histoire de l’humanité, non pas tant parce qu’il est mort assassiné, mais parce qu’il a vécu pour défendre la liberté, la valeur inaliénable de la personne et pour lutter contre l’injustice du racisme et de la ségrégation.
On peut en dire autant de Jésus de Nazareth. L’amour et l’admiration que nous ressentons pour lui nous viennent de ce que Jésus a dit et fait pendant les jours de sa vie. Jésus est pour nous un principe de vie, de transformation, de libération et de salut à cause de sa vie et non pas à cause de sa mort. C’est sa vie qui est féconde.  Sa mort est complètement stérile. Elle ne nous apporte rien. Au contraire, elle nous a enlevé à tout jamais, et d’une façon cruelle et prématurée, un Maître de tendresse que nous aurions tellement voulu garder le plus longtemps possible parmi nous. Cette mort a ravi à l’humanité une de ses plus admirables expressions et une de ses meilleures réalisations. Pour moi, une chose est absolument certaine : nous sommes sauvés par la vie de Jésus de Nazareth et non pas par sa mort.

UNE MORT VOULUE PAR DIEU ?

La grande majorité des États modernes a aboli aujourd’hui la peine de mort. On assiste, un peu partout dans le monde, à des mouvements pour l’abolition de la torture et de la peine de mort. Ces mouvements veulent sensibiliser nos sociétés sur le caractère barbare et profondément inhumain de ces châtiments. Comme il n’est plus possible aujourd’hui, à cause de la puissance destructrice redoutable des armes modernes, d’envisager une guerre qui soit “juste”, de la même façon, on éprouve de plus en plus de difficultés à justifier le recours à la peine capitale pour décourager ou endiguer la criminalité.  La valorisation de la personne et les meilleures connaissances que nous avons acquises dans le domaine de la psychologie et des sciences humaines nous poussent à admettre que l’erreur ou le délit ne constituent jamais des raisons suffisantes pour enlever au coupable le droit à une autre chance dans la vie ou le droit à la vie tout court. Pour la mentalité moderne le fait de vouloir la mort de quelqu’un, même si cela sert à rétablir un certain semblant de justice, suppose toujours une attitude qui est indigne d’un être humain. Et cela non seulement à cause de la valeur unique de la personne confirmée par le commandement divin du “Tu ne tueras pas”, mais aussi à cause du principe éthique que “la fin ne justifie jamais les moyens”.

Or, j’ai l’impression que la doctrine catholique de la Rédemption ne semble pas respecter ni ce commandement de Dieu ni ce principe moral. Selon cette théologie, la mort de Jésus est l’instrument du salut et elle a été voulue et programmée par Dieu de toute éternité. Jésus l’a assumée en esprit d’obéissance et d’amour. D’après la pensée catholique, cette mort est nécessaire à la rédemption. Selon cette même pensée, les comportements que la sensibilité moderne rejette, sont attribués à Dieu lui-même.  Le Dieu qui a dicté à Moise le commandement du “Tu ne tueras pas”, est celui-là qui a organisé et réalisé l’exécution, non pas d’un être humain quelconque, mais de son propre Fils. Dieu a pris la décision de faire périr son Fils non pas pour des raisons objectivement graves, mais pour des raisons, si je peux m’exprimer ainsi, strictement personnelles. Il fallait à Dieu du sang pour se calmer et pardonner. Pour acquitter la dette du péché, Dieu s’est payé lui-même, en versant le prix du sang de son Fils. Pour réparer les dégâts causés par la méchanceté humaine, Dieu est devenu méchant lui-même. Pour calmer son agressivité, Dieu a tué.  Mais en agissant de la sorte, Dieu ne semble-t-il pas sanctionner la violence et faire du meurtre et de la peine capitale des moyens légitimes de réparation et de rachat ? 11

De cette mise en scène catholique sur la valeur et les conséquences de la mort de Jésus, je tire au moins trois conclusions. Premièrement, elle ne représente pas le scénario le plus apte à inspirer et à stimuler la lutte contre ces formes de violence et de cruauté que sont la guerre, la torture et la peine capitale. Deuxièmement, ce scénario discrédite l’image de Dieu, ridiculise les contenus du dogme catholique et encourage l’athéisme : car personne, en possession de ses esprits, serait capable de croire en des pareilles idioties et de donner son amour à un Dieu aussi sanguinaire.  Finalement, cette conception banalise la vie de Jésus, qui est réduite à n’être qu’un simple prélude au seul événement vraiment important : sa mort sur la croix.

UNE CROIX GLORIEUSE ?

Puisque la croix nous a restitué la bienveillance de Dieu et nous a libéré du péché, elle est devenue- dans la tradition et dans la dévotion chrétienne - la grande bienfaitrice de l’humanité et donc l’objet de la gratitude, de la vénération et de l’amour des croyants. Cet instrument de torture s’est transformé en don de Dieu, en signe de son amour ; en symbole de victoire, de puissance et de salut. C’est au nom de la croix et marquées par ce signe que les armées de Constantin ont massacré celles de Maxence (312): que Charlemagne a écrasé et exterminé les Saxons (782); que les Croisés ont tué et pillé (1099)12: que les colonisateurs chrétiens d’Europe ont anéanti les indiens des Amériques. Ce gibet qui servait autrefois à éliminer les plus misérables et les plus impuissants (esclaves et bandits) est devenu le signe sous lequel et par lequel les plus faibles continuent à être martyrisés et les plus naïfs à souffrir, convaincus de rendre ainsi gloire à Dieu.

En réfléchissant sur la dévotion chrétienne de la croix, j’ai découvert, avec étonnement, que cette dévotion est en fait inspirée par un égoïsme déconcertant. J’ai l’impression que la vénération de la croix est fondée sur la persuasion chrétienne que grâce à elle d’immenses avantages spirituels sont arrivés à l’humanité. C’est cela qui compte et qui est important ! Tant pis si Jésus de Nazareth y a été écartelé jusqu’à en mourir !  Soyons donc reconnaissants pour cette croix ! Il est facile de constater ici que, dans la dévotion chrétienne à la croix, ne s’exprime pas tellement l’amour du chrétien envers Jésus, mais bien plutôt l’amour du chrétien envers lui-même.  Ainsi cette croix ne m’apparaît pas seulement comme un affreux symbole de la cruauté des hommes, mais aussi comme un signe inquiétant de leur égoïsme.

 Enfin l’exaltation de la croix, en divinisant la souffrance, l’obéissance et la soumission, sert aussi, à mon avis, à justifier et à fonder le pouvoir. Comment en effet les fidèles oseraient-ils se révolter contre le pouvoir établi ou désobéir aux injonctions d’une autorité religieuse voulue par Dieu, si Jésus, pour obéir à ce Dieu, a été capable d’aller jusqu’à la mort et d’endurer le supplice de la croix?

JÉSUS "RESSUSCITÉ" TOUJOURS VIVANT

Ce Jésus, embarrassant et révolutionnaire, que les autorités politiques et religieuses de son temps ont éliminé en l'exécutant sur une croix, ses disciples soutiennent qu'il est toujours vivant, car Dieu l’a "réveillé" d’entre les morts. Il n’existe pas dans les écrits du Nouveau Testament de terme réservé à l’idée de résurrection. Pour exprimer ce concept, les textes du N.T. utilisent   principalement de deux verbes qui ont un sens plus courant et plus étendu que le terme même de “résurrection». Le premier  verbe plus fréquemment utilisé est “egeiro” 13 qui signifie se réveiller, sortir d’un état de sommeil . Ce verbe, dans sa forme passive14 est presque exclusivement appliqué à Jésus, pour exprimer son passage de la mort à la vie. Jésus est vivant, car “il a été réveillé” par Dieu.15 L’autre verbe est “anistemi”16  qui signifie se relever, se mettre debout, se dresser  après avoir été dans une position couchée, allongée ou assise. Ce verbe est à l’origine du mot “anastasis” 17  par lequel les textes du N.T. semblent vouloir indiquer la foi en la doctrine du “relèvement” ou de la “résurrection  des morts”, telle que professée par les courants apocalyptiques au temps de Jésus 18.
             Les plus anciens témoignages de la foi chrétienne en la “résurrection” de Jésus datent de vingt ans après sa mort, et ils se trouvent dans les Lettres de Paul (surtout aux Thessaloniciens et aux Corinthiens écrites entre les années 50 et 52) et dans certains textes des Actes des Apôtres.19 Ces textes, cependant, ne sont pas une description de la résurrection, mais ils constituent  des affirmations de foi en la puissance de Dieu qui a “réveillé” et “remis sur pied” son Christ, en l’arrachant au monde des  morts 20. La foi en la “résurrection de Jésus” est donc étroitement liée à la doctrine apocalyptique de la “résurrection des morts” dont elle est une conséquence.


Nous savons que les pharisiens du temps de Jésus croyaient en la résurrection des morts. Paul de Tarse était un pharisien converti. Pour Paul la foi en la résurrection de Jésus est une conséquence de la foi en la résurrection des morts. D’après cet apôtre, ce n’est pas parce que le Christ est ressuscité que les morts ressuscitent ; mais c’est parce que les morts ressuscitent que le Christ est ressuscité. Paul fait de la foi en la “résurrection” la condition indispensable pour admettre la “résurrection” de Jésus et celle de tous les humains. Il affirme en effet que s’il n’y a pas de “relèvement” (anastasis ) des morts, le Christ non plus n’a pas été réveillé du sommeil de la mort. Et si le “relèvement” (la résurrection) des morts ne s’est pas réalisé en Christ, il ne s’appliquera pas aux humains non plus. La foi en Dieu qui réveille les morts est alors une chimère et ceux qui la professent sont des faux témoins et des malheureux, puisqu’ils ont fondé leur vie sur une illusion.

Pour comprendre les récits évangéliques de la “résurrection ”de Jésus, imprégnés d’images et de symboles, il faut se souvenir que la pensée juive ne connaissait pas la division dualiste entre corps et âme, typique de la philosophie grecque.  Pour le juif, l’être humain est un tout. Son corps est une partie essentielle de sa personne. L’individu ne peut pas exister sans son corps. Il s’ensuit que la foi en la résurrection des morts implique nécessairement la foi en une recomposition, en une réanimation et en une reprise du corps. C’est cette croyance qui est exprimée dans les lettres de Paul et dans les images très réalistes des récits des apparitions du “Réveillé” que nous trouvons dans les Évangiles. Les Évangiles, de leur côté, ne décrivent pas le ”fait” de la résurrection. Ils racontent plutôt des expériences intérieures de certains disciples qui, étant particulièrement proches de Jésus, l'ont vu et l’ont expérimenté comme toujours agissant.  Les Évangiles disent comment Jésus, après sa mort "a été vu" par quelques-uns de ses disciples, comment il s’est manifesté dans leur existence comme encore vivant  21 .


Je suis conscient que la “résurrection” de Jésus est un élément essentiel de la foi chrétienne.  Il existe cependant une conception physique ou matérielle de la résurrection à laquelle je ne peux plus adhérer. Parce que la résurrection de Jésus est considérée par la doctrine catholique comme une donnée fondamentale de la foi, est-il nécessaire de la transformer pour autant en une notion insupportable pour l’intelligence et la raison ? Parce qu’on tient absolument à affirmer la réalité de la résurrection, faut-il pour autant la réduire à un événement historique qui aurait pu faire la une des journaux de l’époque ? Parce qu’on ne peut pas être chrétien sans croire que Jésus est ressuscité, ne faudrait-il pas essayer de repenser et de présenter autrement cette donnée chrétienne, afin que les croyants d’aujourd’hui ne soient pas acculés au terrible dilemme d’accepter l’absurde ou de renoncer à leur foi ?  Ne faudrait-t-il pas chercher à comprendre différemment ce phénomène de foi, en le situant davantage dans le monde de l’intériorité, de l’expérience personnelle, de la réalité spirituelle, plutôt que dans celui de la réalité physique et matérielle ?


Après m’être longuement questionné sur la façon traditionnelle de concevoir la résurrection de Jésus de Nazareth, je suis enfin parvenu à me faire une idée personnelle qui me satisfait et qui a permis de préserver ma foi sur ce point crucial du dogme chrétien, mais en l’interprétant d’une façon différente. C’est donc ma conception de la résurrection que je partage ici avec le lecteur.
 Pour faire comprendre ce qui, d’après moi, s'est passé dans la communauté des disciples après la mort de Jésus, je me servirai d’une comparaison. Est-ce que Wolfgang Amadeus Mozart est vraiment mort ?  Peut-on, en toute vérité, dire de Mozart qu'il n'existe plus ?  Je ne serais pas prêt à l’affirmer. En réalité, ce qui reste de lui, c’est le meilleur de lui. Ce que Mozart nous a laissé de lui, c’est ce qu'il y a de meilleur en lui. Ce qu’il nous a transmis et ce que nous possédons maintenant de lui, suffit à faire tressaillir le cœur des humains jusqu'à la fin des siècles. Le meilleur Mozart, le vrai Mozart, n'est donc pas celui qui est descendu dans la tombe, mais celui qui est arrivé jusqu'à nous. La terre a son corps, mais nous, nous avons sa musique et donc les   manifestations les plus sublimes de son esprit. Le meilleur de Mozart, c'est donc nous qui le possédons ! Pour tous ceux qui aiment sa musique, Mozart est loin d'appartenir au passé. Il est, au contraire, toujours présent et toujours vivant ; plus vivant, d’une certaine façon, après sa mort que pendant sa vie. Qu’importe alors le sort de son corps !  Qu'importe sa dépouille mortelle qui se décompose dans un tombeau, si son œuvre et son esprit continuent à composer de l'harmonie et à produire du bonheur dans nos vies ! Mozart vit dans son œuvre et par son œuvre. 
Ce que nous disons de Mozart, nous pouvons l'affirmer, à plus forte raison, de Jésus de Nazareth. Nous pouvons dire que le meilleur de Jésus n’a jamais été enfermé dans un tombeau, mais qu’il continue à faire vibrer, à transformer et à rebâtir la vie des hommes et des femmes qui ont eu la chance de le rencontrer. Il nous importe donc peu de connaître le sort du cadavre détaché de la croix. Cette dépouille n'est plus d'aucune importance et elle n'a plus aucune valeur. La valeur de l'Homme de Nazareth est donnée, non pas par ce qui reste de son corps, mais par ce qui reste de son esprit. De la même façon, Jésus est vivant dans la vie de ses disciples non pas à cause de sa mort, mais à cause de ce qu’il a accompli au cours de son existence ; à cause de son Esprit qui continue, au-delà de la mort, à fasciner et à séduire le cœur des humains.
Si nous connaissions un peu mieux la mentalité des orientaux qui aiment parler en images et qui sont capables de construire des scénarios fantastiques pour exprimer, à travers la parabole, le symbole et même l'hyperbole, le contenu parfois indicible d'une expérience humaine et spirituelle profonde, peut-être aurions-nous en main la clef pour interpréter et comprendre les récits des apparitions de Jésus après sa mort, tels que nous les trouvons dans les plus anciens écrits du christianisme (Lettre de Paul et Évangiles).

Une chose est certaine: ceux qui ont vécu dans l'entourage du Maître,  qui ont entendu ses paroles, qui ont fait l'expérience de sa proximité et de son intimité avec ce Dieu qu'il appelait affectueusement son “Papa”, tous ceux-là étaient convaincus que son Dieu était un Dieu d'amour, un Dieu fidèle, un Dieu qui veut le bonheur de ses enfants, un Dieu qui leur donne la vie et qui les accueille au-delà de leur finitude et de leur mort; un Dieu qui n' a pas créé les humains pour les destiner au vide et au néant. Le Dieu de Jésus était donc un Dieu qui fait vivre et qui est source de vie éternelle. Si Jésus avait tant parlé d'un tel Dieu qui fait vivre après la mort et si ses disciples étaient convaincus de la vérité de ses paroles, pourquoi serions-nous étonnés de les entendre affirmer et proclamer que leur Maître aussi, après sa mort, était vivant à tout jamais auprès de Lui ? C'est justement leur foi dans les paroles du Maître qui les poussait à l'annoncer comme “le vivant”!

Une autre chose pour moi  est certaine: ceux qui ont côtoyé Jésus de Nazareth au cours de  sa vie terrestre; ceux qui, à cause de lui ou plutôt grâce à lui, ont recommencé  à vivre; ceux que sa présence a libéré de leurs maux  et de leurs détresses ; ceux qui, à son contact, ont découvert la lumière; ceux qui, après avoir écouté sa parole, ont commencé à voler au-delà de leurs  servitudes; ceux qui, grâce à Jésus, ont été capables de surmonter leurs peurs; ceux qui, grâce à Jésus, ont pris conscience de leur dignité et  de leur valeur en tant que personnes; tous ces gens qui, grâce à sa  parole ont réussi  à  vivre d’une façon nouvelle, à tisser des relations nouvelles, basées sur la confiance et l’amour; tous ces gens ne pouvaient certainement pas penser que leurs vies cesseraient d'être transformées et valorisées seulement parce que leur Maître  avait été exécuté sur une croix. Les vérités que Jésus leur avait révélées, l’esprit ce qu'il leur avait laissé, ils les possédaient maintenant pour toujours. La musique que le Maître de Nazareth avait composée, retentira désormais à tout jamais dans leurs vies.


Si la parole de Jésus continuait à faire vivre ses disciples ; si son esprit inspirait maintenant leurs actions et animait leurs vies, comment aurait-on pu affirmer que le Maître était définitivement mort ? Celui dont la parole faisait vivre, ne pouvait pas être la proie de la mort. Aussi longtemps que ses disciples seraient vivants, lui aussi vivrait avec eux et serait vivant pour eux. Aussi longtemps qu'il y aura des hommes et des femmes qui l'aiment et qui vivent de son “évangile”, lui aussi sera présent et vivant. Ses disciples le feront continuellement revivre (et donc le “ressusciteront”) dans leur mémoire, dans leurs discours, dans leurs rencontres, dans leurs rites. Chaque fois qu’ils se réuniront pour parler de lui, pour se souvenir de lui, il sera là, présent et bien vivant.
C'est donc dans le cœur et dans l'esprit de ses amis que Jésus vit maintenant. C'est là désormais le lieu de sa présence. Et c'est bien pour cela que le tombeau du jour de Pâques est et restera vide à tout jamais. La résurrection de Jésus se passe dans le cœur et dans la vie de ses disciples.  Elle est le résultat de leur amour confiant et donc de leur foi.  Il ne faut plus le chercher parmi les morts, mais parmi les vivants. C'est parmi ses frères que désormais on le trouvera.


Notre tendresse humaine à son égard voudrait tellement pouvoir le côtoyer comme lorsqu'il marchait sur les routes de la Palestine ou l’étreindre comme Madeleine voulait le faire à l'entrée du tombeau.  Nous voudrions tellement qu'il soit encore là!  L’amant ne se résigne jamais à l'absence de l'être aimé. Devant sa disparition, l'amour se pose toujours la même question : “Où est-il maintenant celui que j'ai tant aimé ?” Et la réponse vient spontanément aux lèvres de celui qui aime : “L'être aimé que j'ai perdu est maintenant avec Dieu”.  N'est-ce pas cela la réponse que nous donnons à nos enfants lorsqu'ils nous interrogent sur l'état d'un être cher qui a disparu ?  Il n'est plus avec nous et nous le pensons confié à cette Tendresse Mystérieuse et Englobante qui est l'origine et la fin de toute vie et de tout être et que nous désignons du nom de Dieu.
De Jésus, mort sur la croix, nous disons semblablement qu'il est maintenant avec Dieu ; qu'il est à la droite de Dieu ou que Dieu l'a ressuscité. Par-là, nous voulons dire de lui et de tous ceux qui meurent, que la goutte d'eau du ruisseau de la vie a atteint enfin l’océan avec qui elle se confond et de qui elle a un jour reçu l'existence.  Pouvons-nous en dire plus ?  Pouvons-nous en savoir davantage ?  Pouvons-nous déchiffrer plus profondément le mystère de l'amour, de la mort, de la vie, de Dieu ? Je ne le pense pas. Car même cette simple affirmation : “Il est avec Dieu”, qui répond à notre douleur et nous empêche de sombrer dans le désespoir, est une affirmation de foi et non pas une évidence. 
C'est dans cette foi seulement que je  peux  dire de Jésus qu'il est avec Dieu et que Dieu l'a ressuscité des morts.

(Extrait du livre de Bruno Mori, Effondrement , Montréal 2003)



10.Le Catéchisme de l’Eglise Catholique (1998), n.607.
11. Pour illustrer  ce que je viens de dire , je propose  quelques citations extraites du Catéchisme de l’Eglise Catholique  "La passion du Christ est bien la volonté du Père (N. 555)". "La mort violente de Jésus appartient au mystère du dessein de Dieu et elle n’a pas été le fruit du hasard dans un concours de malheureuses circonstances (N, 599)". "En exécutant Jésus les hommes n’ont fait qu’accomplir, sans le savoir, ce que Dieu avait décide en vu d’accomplir son dessein de salut (n. 600)"." En livrant son Fils pour nos péchés, Dieu manifeste que son dessein sur nous est un dessein d’amour bienveillant (n. 604)". "L’exécution de Jésus sur la croix c’est un don de Dieu lui-même: c’est le Père qui, livre son Fils pour nous réconcilier avec lui, (n.614).
12. Un chroniqueur de la première croisade décrit ainsi l’entrée des Croisés dans la ville de Jérusalem:"Tous les défenseurs de la ville s’enfuirent des murs à travers la ville et les nôtres (les Croisés) les suivirent et les pourchassèrent, en les tuant et les sabrant jusqu’au temple de Salomon où il y eu un tel carnage que les nôtres marchaient dans leur sang jusqu’aux chevilles...
Ils coururent bientôt par toute la ville, raflant l’or, l’argent, les chevaux, les mulets et pillant les maisons qui regorgeaient de richesses. Puis tout heureux et pleurant de joie, les nôtres allèrent adorer le Sépulcre de notre Sauveur Jésus et s’acquittèrent de leurs dettes envers lui..."(Histoire Universelle, tome 4, p. 206, Ed. Marabout, 1963)
13. _γε_ρω.
14. Egérthe ou egégertai: _γ_ρ'η ou _γήγερται .
15..Cfr.  Mt.28,6;  Mc.16,6; Lc.24,6; 1Cor.15,4-20;Rom.5,6; 6,4.
16. _vίστημι
17._v_στασις
18.1Th.1,10; 4,14; 1Cor.6,14; 15,4-20; 2Cor.4,14; 5,15; Act.3,15; 4,10; 5,30; 10,40;13,30.
19.1Th.1,10; 4,14; 1Cor.6,14; 15,4-20; 2Cor.4,14; 5,15; Act.3,15; 4,10; 5,30; 10,40;13,30.
20.Mt.28,6;1 Cor.15,20, la formule est :  _κ vεκρ_v.
21.Cfr. Marie-Emile Boismard, Faut-il encore parler de résurrection ? Cerf, Paris, 1995.