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mercredi 28 juin 2017

FÊTE DELA TRINITÉ – UN AMOUR QUI N’EST QUE TENDRESSE



            La théologie catholique décrit Dieu comme une Trinité de personnes égales et distinctes en perpétuelle relation. Cette façon de présenter Dieu difficile à saisir, n’intéresse plus guère les chrétiens de notre temps, qui préfèrent retourner aux Évangiles et récupérer plutôt la description de Dieu que Jésus nous a laissée en utilisant l’image du Père et que l’évangéliste Jean a résumé dans l’affirmation que Dieu est Amour. Dans les évangiles, en effet, Jésus parle de Dieu comme d’un Amour qui se livre à tous dans une totale et absolue gratuité.

Je choisis donc aujourd’hui, en cette fête de la Trinité, de vous parler de Dieu, mais en développant le thème de son amour qui se manifeste toujours par des relations imprégnées de tendresse. Il y a évidemment différentes formes de tendresse (celle des parents, celle des frères et sœurs, celle des amis, celle du couple amoureux, etc.). Puisque la grande majorité des personnes ici présentes sont des couples mariés, il est peut-être intéressant de profiter de cette fête pour réfléchir ensemble sur cette qualité de l’amour et voir jusqu’à quel point vos relations de couple sont à l’image de la tendresse qui est en Dieu.

Nous savons tous que l’amour est la force qui fait tourner le monde, qui fait vivre les êtres et qui est pour tous source de bonheur et d’accomplissements. Aux hasards des rencontres, se manifestent les attirances, les affinités, naissent les sentiments, les attachements, les passions, les amours qui souvent aboutissent au mariage ou à d’autres type d’unions stables.

            Mais comme il s’agit de deux libertés qui se rencontrent, ces unions sont toujours soumises aux impondérables des événements, du devenir et des faiblesses des personnes. Aucun amour n’est assuré pour toujours, car aucune réalité n’est établie et fixée une fois pour toutes. Chacun de nous vit dans une interrelation constante avec le monde et cet échange continuel nous affecte nécessairement et nous transforme à notre insu. Nos relations amoureuses subissent aussi les contrecoups de nos changements.

            Dans le mariage, au bout d’un certain temps, la flamme de la passion se réduit et s’épuise, la vie quotidienne s’installe, avec sa routine grise et monotone. L’attention des débuts pour les mots doux, les gestes tendres et les délicatesses réciproques baisse ; cesse le romantisme, on devient « ordinaires »; apparaissent les premières divergences, les désaccords; surgissent les animosités, les altercations, les ressentiments, les frustrations, les insatisfactions, les remises en question. Il arrive aussi que, dans la relation du couple s’infiltrent passions volcaniques, suscitées par l’attrait d’une autre personne. La vie de l’amour à deux est complexe, laborieuse, pleine de péripéties. Elle ressemble à un chantier de construction où on bâtit, on réalise des projets, on en jouit, on s’installe confortablement ; mais où on peut aussi rénover, modifier, changer et démolir ce qui a été autrefois construit.

            Cela signifie que l’amour est un sentiment terriblement fort, mais aussi extrêmement fragile. Qu’est-ce qui peut lui donner la force de survivre aux vicissitudes de la vie et à l’usure du temps? Uniquement sa capacité de vibrer dans les harmoniques de la tendresse. Si l’amour est la fleur qui parfume et embellit le jardin de notre existence, la tendresse est le terreau et l’eau qui lui donnent vie et vigueur. Sans l’eau de la tendresse, la fleur de l’amour flétrit et se meurt.

Pour se rapprocher, se comprendre, communiquer, donner et recevoir de l’amour et de la chaleur, la tendresse n’a pas son pareil. Les amoureux doivent être conscients que si la sensualité et la sexualité permettent à la tendresse de s’exprimer, elles ne garantissent toutefois pas nécessairement la présence de la tendresse dans une relation de couple.
           
Dans la relation du couple, il ne faut pas confondre la tendresse avec l’émotion ou la surexcitation du sentiment devant l’autre. Ce genre de sensation n’est autre chose que la célébration psychologique du plaisir égoïste que l’individu ressent à la présence de la personne qui l’attire physiquement. Avec cette sensation, l’individu reste fermé sur lui-même et dans la recherche de sa propre satisfaction. Il est loin d’une attitude de tendresse.

Qu’est-ce que finalement la tendresse ?
           
La tendresse est cette qualité « divine » de l’amour qui devient totale gratuité. C’est l’attitude intérieure qui pousse l’amant à ne chercher que le bonheur de l’autre et qui ne se transforme jamais en un instrument de domination ou d’exploitation pour satisfaire ses propres besoins. La tendresse, c’est lorsqu'on accepte l’autre dans son altérité. C’est lorsqu'on se laisse toucher par l’histoire de sa vie et qu'on veut l'accueillir totalement dans la nôtre. C’est aimer l’autre tel qu’il est. C’est le trouver parfait comme il est et désirer qu’il reste tel pour toujours, car même ses défauts et ses faiblesses nous attendrissent.

            La tendresse nous renvoie aux premières heures de notre naissance, lorsque le regard maternel s’est posé sur nous. La tendresse est ainsi le sentiment amoureux qui a gardé fondamentalement les caractéristiques et le souvenir de ce regard maternel originaire. De sorte que, il y a tendresse seulement lorsque l‘amour que je ressens pour l’autre est capable de me décentrer de moi-même, pour centrer ma vie dans l’autre et pour la transformer en don pour le bonheur de l’autre.

            La tendresse c’est lorsque l’autre devient pour moi un trésor presque sacré, auquel je ne m’approche qu’avec respect et émerveillement, touché et ravi par les richesses qu’il contient.

            La tendresse c’est quand la seule présence de l‘autre me remplit de bonheur et que je m’extasie à la seule contemplation des traits de son visage, que j’ose à peine caresser, de peur de dissoudre le ravissement dans lequel il m’a plongé.

            La tendresse c’est l’amour que je ressens et que j’offre à la personne aimée à la découverte de ce qu’elle est en elle-même; à la découverte de l’amour qu’elle me porte et que je veux transformer en source de plénitude et de bonheur pour elle, plus que pour moi.

            Dans la tendresse, je vis plus à travers la vie de l’autre, qu’à travers la mienne. Ainsi ses épreuves, ses souffrances, ses peurs, ses succès, ses désirs, ses rêves, deviennent mes épreuves, mes souffrances, mes succès, mes rêves.
           
Voilà pourquoi dans le couple qui s’aime, la qualité, l’authenticité et la durée de leur amour se vérifient et sont garantis par la présence de la tendresse. Dans le couple l’amour ne peut résister à l’usure du temps que s’il se transforme en tendresse. La tendresse devient alors la réussite d’un rêve d’amour. Ou, comme disait Jacques Salomé : « La tendresse, c’est quand la réalité arrive à dépasser le rêve». « La tendresse c’est un geste qui devient caresse avant même de l’avoir reçue».

            Mais la tendresse a besoin de temps. Prendre le temps de se retrouver, de se regarder, de s’apprécier, de se dire, de s’écouter, de s’attendre, de s’intéresser à l’autre. Prendre le temps de donner et non pas toujours demander. Prendre le temps d’être présent pour l’autre, de lui accorder de l’attention. La tendresse est dans l’intonation de la voix, la douceur des mots, dans le petit billet d’amour que je lui laisse sur le comptoir de cuisine avant de partir travailler; dans la rose que je lui apporte, même si ce n’est pas son anniversaire; dans le regard pétillant avec lequel je l’enveloppe; dans les caresses spontanées et parfois furtives par lesquelles je révèle à l’autre que sa présence en ce monde est indispensable à mon bonheur et que la valeur de sa vie l’emporte sur la mienne.

            Dans une société où il y tellement d’égoïsme et de violence, la tendresse humanise notre monde et le rend supportable. Quelqu’un disait que l’avenir du monde est à la tendresse.

            C’est pour cela que l’amour avec lequel Dieu nous aime, étant par principe un amour parfait, ne peut être qu’un amour de tendresse. C’est pour cela que dans la vie de Jésus cet amour s’est toujours manifesté comme accueil inconditionnel, don total de soi, même jusqu’en mourir, comme respect, valorisation de l’autre, gratuité, disponibilité, service, partage, compassion, pardon, etc., qui ont été les différentes façons dont le Maître a décliné pour les autres la tendresse de Dieu.

C’est lorsque nous aimons avec un amour qui a été capable de se transformer en tendresses, que nous incarnons véritablement l'amour de Dieu et que nous devenons la manifestation la plus accomplie de sa divine présence dans notre monde.


BM


(Cfr. Leonardo Boff : La ternura : la savia del amor, dans La Columna semanal de Leonardo Boff, 620, Koinonia ) 

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