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vendredi 6 octobre 2017

JAMAIS PLUS FATIMA!

(Mario De Oliveira)

Ce texte est un extrait du livre du même titre qui a été publié au Portugal en avril 1999 par Editora Campo das Letras (campo.letras@mail.telepac.pt) et a obtenu 8 éditions en 12 mois. Ses argumentations sont mieux comprises à partir de la lecture complète de son travail. Le livre peut être demandé à: Jornal Fraternizar (fraternizar@mail.telepac.pt)

 Dieux contre Dieu
À Fatima, comme dans n’importe quel autre sanctuaire ou lieu de pèlerinage, il ne suffit pas d'invoquer Dieu, pour conclure que nous assistons à une manifestation de foi, ou, au moins, de  foi chrétienne. Tout au plus, il s’agit d’une manifestation religieuse, ce qui n'est pas la même chose. En fait, le christianisme, à ses débuts, n'a même pas voulu apparaître comme une religion. Les textes fondateurs du Nouveau Testament ne parlent pas d'une nouvelle religion, mais d'une « voie » ou d’un « chemin ». Voie ou chemin qui doivent nous conduire non pas tellement à Dieu, mais plutôt à la rencontre de l'autre, des autres, de ceux et celles qui ne sont pas de notre propre "chair et sang", et même à la rencontre de ceux que nous considérons comme nos ennemis, afin qu’entre nous et eux, entre nous tous, s’établisse progressivement une relation de fraternité. En effet, c’est uniquement quand cette relation de fraternité devient une réalité, que Dieu est vraiment adoré et honoré et que la foi chrétienne se transforme en un véritable événement. «Ce ne sont pas ceux qui disent "Seigneur, Seigneur" qui entreront dans le Royaume des Cieux, mais ceux qui font la volonté de mon Père qui est aux cieux» (Mt 7.21). L'évangile est à cette condition. Il n'admet pas de fuites qui peuvent apparaître comme très religieuses, mais qui sont aussi très aliénantes, très déshumanisantes et très peu fraternelles.

Dans le cas de Fatima, comme dans tout autre sanctuaire ou temple, il faut s’interroger avec humilité, mais aussi avec lucidité et détermination, si, dans ce lieu, c'est bien Dieu que l’on prie et que l’on adore et quel genre de Dieu est celui qui attire et convoque ici les foules. Parce que, contrairement à ce que souvent on pense, il n’y a pas qu’un seul Dieu. Il y a toujours eu ou cours des âges beaucoup de dieux. Et il a toujours été très difficile de discerner, parmi tant de dieux, celui qui est le vrai ; celui qui progressivement nous humanise et nous fraternise ; celui qui est vraiment «bonne nouvelle» pour les humains. Aujourd’hui il semble que cette difficulté soit encore plus grande que par le passé ; car les dieux sont encore plus nombreux et chaque fois ils semblent plus attrayants et plus séduisants.

Nous savons que Caïn, par exemple, à l'aube de l'humanité et selon le mythe biblique de la Genèse (4, 1-16) - et la première lettre de Jean le rappelle à l'aube du christianisme – invoquait aussi Dieu, accomplissait tous les rites religieux, pratiquait régulièrement la liturgie de son temps. Mais tout cela ne l'a pas empêché, avec le plus grand calme et en toute tranquillité de conscience, de tuer son frère Abel. Le Dieu qu’il invoquait et adorait et à qui il offrait généreusement les prémices de ses récoltes, n'était pas incompatible avec l'acte fratricide. Au contraire, il semblerait que ce Dieu l’ aurait lui-même suggéré et inspiré à un moment donné du culte.

Ce récit biblique n'a pas été écrit pour nous entretenir, mais pour nous construire ; pour que nous puissions nous maintenir en état d’alerte et pour nous aider à discerner. Ce conte veut nous révéler qu'il ne suffit pas d'admettre l'existence de Dieu, d'être déiste, d'être religieux, d'assister à des actes de culte et dans des lieux considérés comme sacrés, pour être automatiquement des hommes et des femmes de bonne qualité, humanisés, fraternels, en un mot, chrétiens. Nous pouvons faire tout cela et plus encore, comme contribuer avec des généreuses offrandes à la construction de temples et de sanctuaires ; faire des vœux et des promesses difficiles et pénibles et les accomplir scrupuleusement ; avoir même une bonne relation avec les prêtres et les représentants des nombreuses religions qui existent dans nos sociétés et, en même temps, nourrir des sentiments de haine et de vengeance, de jalousie et de mort contre l'autre et contre les autres. Et ce qui est encore pire, nous pouvons même passer des sentiments à l’action et tuer l'autre, les « ennemis », ceux qui ne pensent pas comme nous, ceux qui ne sont pas de notre religion, qui n'acceptent pas de « jouer notre jeu "... Et tout cela, sans aucun remord de conscience ; au contraire, avec le sentiment du devoir accompli, avec la sereine conviction de celui qui pense que c'est comme ça qu’il est vraiment une personne religieuse et qu’il plait à Dieu (voir croisades, guerres de religions, Inquisition chrétienne, terrorisme djihadiste , etc.).

Écrire et dire ces choses peut, sans doute, choquer beaucoup de gens, croyants en Dieu ou athées. Mais cela ne devrait pas déranger les chrétiens et leurs églises respectives. Le christianisme, depuis ses débuts, n'a jamais voulu être une religion de plus parmi les nombreuses religions déjà existantes dans l'empire romain, mais une voie, un chemin conduisant, comme on l’a dit plus haut, à la rencontre de l’autre, des autres, même de ceux qu'une certaine éducation civique et religieuse définissaient comme ennemis. Le Christianisme est né non pas comme une religion, mais comme un mouvement spirituel de fraternité et de communion universelle entre tous les humains. Le christianisme est né comme révélation et annonce radical d’humanisation, de liberté et de fraternité pour tous les hommes et les femmes de la terre.

Jésus de Nazareth, suite à la foi des disciples en sa résurrection, fut reconnu et proclamé par les premiers adhérents à son mouvement spirituel, comme le Messie et l’Envoyé (le Christ) de Dieu. Toutefois, jusqu'à sa résurrection, il avait été le plus détesté des hommes; condamné à mort comme blasphémateur et subversif, il fut exécuté sur une croix. Or, il est symptomatique de remarquer que ceux qui furent derrière ce grand crime ; ceux qui ont voulu, planifié, orchestré et perpétré l’élimination de Jésus, ont été des hommes religieux, profondément croyants en Dieu, placés à la tête d’une des institutions religieuses les plus prestigieuses et les plus sacrées de cette époque.

 Et lorsque les princes des prêtres et le Sanhédrin, avec les théologiens du Temple, prirent la décision d’éliminer définitivement le Prophète de Nazareth, ils firent cela avec la ferme conviction de rendre gloire à Dieu, ce Dieu qu’ils adoraient et vénéraient par des liturgies somptueuses dans le Temple grandiose de Jérusalem. C’est donc avec une pleine assurance dans leur totale justice devant Dieu et avec la plus grande tranquillité de conscience, qu’après un crime si horrible, ils purent continuer, comme si de rien n’était, à fréquenter le Temple et à promouvoir le culte en l'honneur de leur Dieu.
Mais qu'est-il arrivé à Jésus de Nazareth, appelé le Christ ? Lui et sa cause se sont transformés, au moins pour les chrétiens et les chrétiennes qui l’ont suivi et pour leurs églises, en l'événement le plus révélateur de l'histoire, en une lumière qui illumine tous les humains de ce monde. Jésus est devenu, pour ces croyants, le nouveau et définitif big-bang de la création de l'humanité et d’un monde nouveau. En Lui a commencé ce qui est nouveau et définitif. En Lui et avec Lui l'humanité est née à nouveau, définitivement fraternelle et solidaire.

Nous savons, de ce que Jésus nous a appris et, d’une manière définitive, depuis que son Dieu et Père l’a ressuscité d’entre les morts, qu'en fait Dieu n'a jamais été une réalité univoque. Il y a beaucoup de dieux. Il y a Dieu et il y a les dieux. Et il y a une lutte des dieux contre Dieu. Il y a des dieux qui sont extrêmement dangereux, tueurs, despotes et oppresseurs, genre de monstres sanguinaires qui, pour se sentir en forme, ont besoin de boire et de répandre le sang de victimes innocentes. Des dieux sadiques donc, qui dévorent leurs adorateurs, en les asservissant et en les dégradant. En un mot, il y a des dieux qui déshumanisent et qui arrivent même à tuer, parfois physiquement, très souvent psychologiquement et spirituellement, leurs adorateurs. On dirait que ces dieux cherchent à transformer à leur image ceux et celles qui les invoquent, lesquels sont habituellement des gens très religieux, comme Caïn, mais qui, souvent, deviennent aussi meurtriers que lui.

Et il y a ensuite le Dieu des victimes, lui-même victime de tous les dieux puissants et meurtriers ; le Dieu qui a ressuscité Jésus d’entre les morts. C'est le Dieu de Jésus et le Dieu des hommes et des femmes qui continuent sa cause (chrétiens, chrétiens et tous les gens de bonne volonté). C’est le Dieu vivant, qui vit et qui fait vivre. C’est le Dieu qui ne veut pas d’autre culte que celui de la promotion de la vie et de la vie en abondance pour tous. C’est le Dieu qui non seulement ne veut pas de victimes et ne produit pas des victimes, mais qui est toujours à l’œuvre pour leur épargner la souffrance et les descendre de la croix. C’est le Dieu qui se manifeste dans le regard égaré et le corps souffrant des victimes de l’histoire, par lesquelles il interpelle les violents et les puissants de ce monde, en leur posant la question la plus inquiétante et la plus défiante qui soit, la même qu’il avait autrefois posés à Caïn :« Où est ton frère, qu'est-ce que tu as fait de ton frère ?». Ou cette mise à jour de la même question : « Pourquoi me persécutes-tu? » (Actes 9: 4).

Du dieu de Fatima, libère-nous, Seigneur !

A Fatima nous avons trois enfants : Jacinta et Francisco, fauchées pas la fièvre espagnole avant l’âge de onze ans et Lucia, une fillette qui survit, mais qui est enlevée à sa famille et à son village et que l’on a empêché de vivre la vie normale des jeunes filles de son âge. Après avoir été ballotée d’un couvent à un autre pendant plusieurs années, en 1945 Lucia aboutira au monastère des Carmélites de Coimbra, où elle restera comme religieuse cloitrée jusqu’à sa mort survenue en 2005, à l’âge de 97 ans. Voilà le principal et triste bilan des protagonistes des événements appelés les «apparitions de Fatima». Probablement, personne dans l'Église catholique n'a jamais osé regarder ces apparitions sous cet angle de vue.

Que personne ne pense que nous écrivons ceci pour rejoindre les rangs des soi-disant "ennemis" de Fatima. Ce qui nous pousse à écrire, c’est la fidélité au message de l'Évangile et au Dieu de Jésus de Nazareth, que sa mère Marie, mieux que quiconque, chantait comme le libérateur et le sauveur de l'humanité et, en particulier, des pauvres et des exclus de ce monde.

 Notre lecture du livre le plus important sur les apparitions de Fatima, les Mémoires de Sœur Lucie, nous oblige à le faire. Car le Dieu qui est proclamé et présenté dans cet ouvrage[1] n’a absolument rien à voir avec le Dieu révélé par Jésus de Nazareth. Dans ce livre on a plutôt à faire avec une divinité cruelle, insensible, sanguinaire, un Moloch, sorti de l’imagination maladive d’enfants terrorisés et abimés par une fausse éducation chrétienne, qui n’aime pas les humains; qui prend plaisir à la souffrance des innocents; qui a inventé l’enfer pour châtier et torturer éternellement ceux qui ne vont pas à la messe le dimanche, ou qui disent des gros mots, un Dieu qui est donc pire que les pires psychopathes qu’il a pu créer.

J’inviterais ici les pieux lecteurs catholiques qui seraient portés à être choqués par les propos exprimés dans cet article ,à prendre la peine et le temps de lire les Mémoires  de Sœur Lucie,  disponibles aussi sur internet[2]. Parce que, s'ils le font, et qu’ils lisent ce livre à la lumière de l'Évangile de Jésus de Nazareth, ils finiront probablement par prier ensemble avec moi : «Du dieu de Fatima, libère-nous, Seigneur !»

Élevés dans la terreur

Le livre de Lucia nous fait reculer dans le temps et nous plonge dans l’atmosphère religieuse et ecclésiastique dans lequel ont vécu les enfants de Fatima, aux alentours de 1917. C’était le temps de la première guerre mondiale. Cependant, la peur que l’on respirait, surtout dans les milieux populaires et ruraux, ne venait pas de la guerre, mais de la religion. La catéchèse familiale et paroissiale, ainsi que la prédication du dimanche et celle qui se pratiquait au cours d’autre événements religieux alors très récurrents, constituaient une sorte d’endoctrinement systématique basé sur la production, le stockage et la distribution de la peur de Dieu et de l’enfer dans l’esprit et l’âme des fidèles. Ce qui n’en faisait un acte pas moins néfaste et criminel que la guerre qui sévissait. Acte d’autant plus néfaste et criminel, que cette prédication pénétrait profondément dans l’esprit des gens simples et ignorants de ce village, en particulier des enfants, petites créatures très sensibles et sans défense, prêtes à croire tout ce que les adultes leur racontaient, en particulier les parents, les évêques et les curés, dont la parole était écoutée et suivie comme si elle était un oracle divin et comme si elle exprimait la volonté de Dieu présent au milieu du peuple[3].

Les trois enfants de Fatima ont respiré une telle atmosphère. Les Mémoires de sœur Lucie  ne laissent aucun doute sur cela, pour ceux qui savent lire entre les lignes et de manière critique, sans se faire contaminer par le mysticisme religieux presque pathologique dans lequel ce livre a été écrit.

La lecture des Mémoires montre, avec une évidence presque tangible, comment la terreur a été une sorte de calamité naturelle constamment présente dans la vie de ces trois enfants. Ils vivaient troublés et angoissés par le péché, par l'enfer et par les pécheurs qui vont en enfer. Tout était péché pour eux, même un baiser donné à un autre copain ou copine dans le jeu de « las prendas ». Pour Jacinta, par exemple, on ne pouvait donner un baiser qu’à Notre Seigneur, en embrassant l'image du Crucifié. Comme si un autre garçon, fille ou compagnon de jeux, n'étaient pas une bien meilleure image de Dieu, mais seulement une occasion de péché. Qui a inoculé une telle vision moraliste dans l’esprit de la petite et angélique Jacinta ? Quelle catéchèse satanique a déformé son regard ? Qui l’a privée si tôt de son innocence naturelle ?

Dans ce contexte, tout pouvait conduire à l'enfer. Dieu, aux yeux de ces enfants, était tellement rendu au bout de sa patience par les péchés des créatures humaines, que sa colère était toujours sur le point de dépasser les limites de son endurance, et menaçait toujours d’éclater au grand jour, si les trois petits enfants n’acceptaient pas de souffrir, souffrir, souffrir, faire toutes sortes de sacrifices (pour lui faire plaisir, pour le calmer, pour lui montrer leur amour, pour la conversion des pécheurs) et, en même temps, réciter beaucoup de chapelets.

Il est normal que des enfants qui reçoivent toute cette information, sensibles et sans défense comme ils sont, souffrent, pleurent, sentent de la peine pour ce Dieu attristé, offensé et fâché. Et puisque ce Dieu aime tant la souffrance, voilà que ces enfants désirent s'offrir à lui en tant que victimes ; ils se disent prêts à souffrir, même jusqu’à la mort, pour soulager sa peine , calmer sa rancune, l’apprivoiser en quelque sorte, pour l’induire à pardonner aux pécheurs.

 Ces enfants sont complètement possédés par une mystique de mort, une mystique sacrificielle, qui parle de préférence d'un Dieu de mort qui dévore ses créatures, plutôt que d'une mystique de vie, la seule que le Dieu de Jésus peut inspirer à ses fils et à ses filles, puisqu'il est lui-même un Dieu qui travaille continuellement pour que chacun de nous puisse avoir la vie et la vie en abondance.

Ces enfants ont été les victimes d’une véritable torture psychologique et spirituelle. Dans un tel climat de religiosité, l’existence de ces petits êtres qui prennent tout au sérieux, s’est transformée en un véritable cauchemar. Ils ont expérimenté et donc vécu leur vie comme étant soumise à une danger continuel, torturant et épouvantable : celui de pouvoir être condamnés aux supplices de l'enfer. Il suffisait de faire quelques péchés. Pour ces enfants, le péché était partout et très à facile à commettre. Pour eux, par exemple, c’était un péché que de dire des mots offensants ou se permettre des petites espiègleries. De tel péchés étaient suffisants pour être condamné à l’enfer ; un enfer qu’eux-mêmes décrivent avec des images effrayantes. L'enfer était la grande menace pour tous et le sort qui était le plus susceptible d'arriver à n'importe qui. Et, pour les pécheurs, plus qu'une menace, l’enfer était déjà une certitude.

Dans ce climat religieux façonné par une spiritualité non seulement totalement étrangère à l'Évangile, mais, pire encore, complètement en contradiction avec le Dieu annoncé par Jésus, il n'est pas surprenant d’apprendre que le plus grand désir de ces enfants était de mourir le plus tôt possible, afin d'aller le plus vite possible au paradis, parce que cela constituait le seul moyen d’échapper plus facilement aux embuches et aux  dangers d’une vie qui pouvaient les précipiter dans les tourments de l’enfer, dans lequel quiconque y tombe, y tombe pour toujours, brûlant dans cet immense four, à feu lent, en compagnie des animaux les plus dégoûtants et hideux.

 Dans son livre, Lucie raconte à maintes reprises comment Jacinta et Francisco étaient affectés par la peur de l'enfer. D’après Lucie, cette peur était le résultat normal et naturel d’une catéchèse familiale abondamment administrée par leur mère, qui exagérait volontairement  les couleurs de l’anxiété. Et les prédicateurs des missions paroissiales qui suivaient fidèlement les consignes du livre « Mision Abreviada » (Abrégé pour la prédication des missions) n’étaient pas bien loin derrière elle.

Ce qui aujourd'hui choque et scandalise ceux qui cherchent à être disciples de Jésus et à se laisser conduire par les valeurs de son annonce libératrice, c’est de constater que cette Dame, que les enfants déclaraient avoir vu et entendu le 13 mai 1917, et qu’ils affirmaient  venir du ciel, c'est-à-dire de Dieu, ne semble pas leur être apparue pour les libérer de la peur et les inviter à vivre pleinement leur existence dans la joie, l’abandon et la confiance en l’amour inconditionnel et inconditionné du Dieu-Papa, annoncé par son Fils. Au contraire, elle commence par annoncer aux deux enfants les plus jeunes et aussi les plus terrifiés, qu’ils mourront  sous peu ; et qu’ainsi elle leur fera la grâce de les libérer du mal et des dangers de cette vallée de larmes, en les amenant avec elle au paradis. Voilà le beau cadeau que la Dame venue du ciel offre à ces enfants qui viennent juste de commencer à vivre !

Catéchèse terroriste

Au lieu de la bonne nouvelle libératrice de l’évangile, selon laquelle Dieu veut que les hommes vivent et qu’ils vivent pleinement et abondamment, elle leur annonce qu'ils vont bientôt mourir. Fondamentalement, la Dame venue du ciel se limite à reproduire et à légitimer la catéchèse terroriste et négatrice du message ecclésiastique que les enfants entendaient constamment à la maison et à la paroisse.

Mais le plus choquant était à venir : il s’agit de l'apparition du 13 juillet 1917. À en croire au récit de Sœur Lucie, au cours de cette apparition, la Dame venu du ciel a eu la belle idée de montrer l’enfer aux trois enfants. L’impression que surtout les petits Jacinta et Francisco en reçoivent est à tel point dévastatrice, qu’ils en resteront marqués pour le reste de leur vie et que jamais plus ils seront des enfants normaux. Déjà hypersensibles et de santé manifestement déjà affaiblie, cette épouvantable vision les brisera dans l’âme et dans le corps, au point qu’ils ne s’en remettront plus jamais.

À partir de ce jour, Jacinta et Francisco ne parviendront plus à être des enfants comme tous les autres. Ils ne seront plus capables de jouer, de s’amuser, de s’alimenter normalement et de faire face à la vie avec la nonchalance et le naturel d’enfants en bonne santé. D’une certaine façon, la Dame venue ciel avait trouvé le moyen de tuer en eux le désir et la joie de vivre et de les faire ainsi mourir de leur vivant. Francisco, par exemple, arrêtera d'aller à l'école, et préférera se cacher plutôt dans l'église afin de réciter le rosaire pour le salut des pécheurs dans l’espoir de leur éviter les souffrances de l’enfer.

La vision de l'enfer a tellement marqué les deux enfants que, dorénavant, ils se sentiront obligés de prier pour les pécheurs et de faire des sacrifices pour leur conversion. Le livre des Mémoires de Lucie témoigne que Jacinta et Francisco pouvaient passer des journées entières sans manger. Ils donnaient leur casse-croûte aux moutons ou aux pauvres. Ils s’imposaient de ne pas boire une seule goutte d’eau en plein mois d'août. Ils marchaient toute la journée, et même pendant la nuit, avec une corde attachée en permanence autour de taille, jusqu'en saigner.


Masochisme religieux

Avec ces attitudes chargées de masochisme religieux et sacrificiel dont ils n'étaient personnellement pas responsables, mais seulement victimes, les enfants de Fatima ont prétendu - avec une ingénuité et une innocence touchantes, - consoler notre Seigneur et le Pape[4].

C’est ainsi que, dans cette histoire des apparitions de Fatima, le catholicisme est arrivé à l’inversion complète et au reniement total des valeurs les plus  fondamentales contenues dans la « Bonne Nouvelle » annoncée par Jésus de Nazareth, qui fut la meilleure révélation de Dieu dans l’histoire de l’humanité. La bonne nouvelle proclamée par Jésus (qui présentait un Dieu-Père pleine de miséricorde et de tendresse, aimant d’un immense amour tous ses enfants, autant les bons que les méchants et ne désirant pour eux sur terre qu’abondance de vie et plénitude de bonheur) constituait le message le plus libérateur et le plus consolateur jamais offert à tous ceux et celles qui étaient officiellement considérés comme des exclus, des transgresseurs, des coupables et des pécheurs.

Rien de tel dans les messages de Fatima. À Fatima les croyants sont confrontés à un contre-évangile et à l’annonce d’une « Mauvaise Nouvelle » : au lieu de l’annonce joyeuse et exaltante d’un Dieu qui vient en tant que compagnon, ami et père, avec le cœur d'une mère, consoler ses enfants et les libérer de la peur, du mal et de la souffrance , la Dame de Fatima leur annonce la nouvelle d’un Dieu en colère, sadique, qui ne peut être contrôlé et apaisé que par le sang, les souffrances et les supplications de ces jeunes victimes innocentes, à travers un vie passée à l’enseigne de la peur, de continuelles privations et sacrifices. Et cela dans le seul but que ce Dieu fâché, puisse freiner sa rage et renoncer à châtier les pécheurs.

Mais à Fatima il y a encore pire. Ici la Dame venue du ciel a présenté aux trois enfants la caricature la plus horrible et la plus monstrueuse que l’on puisse imaginer de Dieu : un être dont la méchanceté, le cynisme et la cruauté dépassent infiniment celles de tous les pires pécheurs et les pires délinquants de la terre. En effet, le Dieu de la Dame est un Dieu qui a volontairement créé l’enfer pour se venger et faire souffrir éternellement les pauvres pécheurs. Et cette Dame venue du ciel est de mèche avec une telle divinité ; elle paraît en parfaite connivence avec un tel Dieu et avec son abominable invention, au point qu’elle se plaît à la montrer aux enfants, comme si l’enfer était un titre de gloire et  un chef-d’œuvre de l’Artiste divin.

Il faut penser que, la Dame de Fatima ne soupçonnait certainement pas que l’invention de l’enfer de la part de son Dieu serait devenue, plus tard, une des causes principales autant de la croissance de l’athéisme, que du refus de la religion catholique. Si la Dame de Fatima avait été moindrement théologienne, elle aurait immédiatement su, qu’en saine théologie, la foi en Dieu est inconciliable avec la croyance en l’enfer, étant donné que les deux concepts s’excluent mutuellement. Et si la Dame avait été moindrement chrétienne, elle se serait aussi rendue compte que son Dieu était en total contradiction avec le Dieu prêché par son fils Jésus. Elle aurait donc compris qu’il était impossible de croire en son Dieu et de faire partie de l’Église chrétienne.

Cela équivaut à dire que Fatima et le christianisme sont deux phénomènes religieux opposés et inconciliables. En d’autres mots, ceux et celles qui acceptent de croire aux communications de Fatima, doivent renoncer à se considérer chrétiens. Ils pourraient, à la rigueur, se qualifier comme « catholiques », en l’honneur des nombreux Papes qui ont succombé aux charmes maléfiques de la Dame de Fatima et ont, malencontreusement, ratifié ses funestes délires ; mais ils ne peuvent certainement pas se considérer disciples de Jésus de Nazareth.

 Il est urgent d'évangéliser Fatima

On doit donc affirmer que le livre des Mémoires de Sœur Lucie, où elle a écrit les souvenirs de son enfance à Fatima, contient et transmet une théologie (réflexion sur Dieu) qui se situe aux antipodes de la pensée chrétienne. Lucie a écrit son livre forcée par certains ecclésiastiques qui s’étaient arrogés le droit de lui imposer leur volonté et leur autorité.

Il s’agit d’une théologie qui parle d’un Dieu, qui est sans doute celui qui habitait l’imaginaire de beaucoup de gens de ce temps ; mais qui possédait toutes les caractéristiques d’une idole abominable qui dévore les pauvres gens. Une théologie qui présente un Dieu conçu comme un justicier impitoyable, qui ne peut calmer et satisfaire sa colère punitive et destructrice qu’avec le sang, beaucoup de sang, des victimes innocentes. Il s’agit d’un Dieu bourreau ; d’un Dieu contre l'homme et la femme ; d’un Dieu sans entrailles de miséricorde, tyran et despote. Un Dieu pire que les plus mauvaises de ses créatures. Un Dieu intrinsèquement pervers, qu’il est nécessaire d'apaiser et dont le bras justicier est toujours prêt à tomber sur l'humanité pécheresse[5]. Et si, jusqu’à maintenant, il a retenu ses frappes mortelles, cela est dû au fait qu’il a, heureusement pour les humains, à ses côtés la créature la plus sainte qui puisse exister et, apparemment, qui est bien plus miséricordieuse que lui, la Dame du Rosaire, qui seule réussit à le retenir et à le calmer.

Mais cette Dame est elle-même sur le point de n’être plus capable d’endurer pour longtemps la colère et la haine de Dieu contre l'humanité. Elle a donc décidé de descendre du ciel vers la terre, plus concrètement vers le Portugal, où quelques années auparavant, a été instaurée (coïncidence !) une République maçonnique et athée, pour demander à trois enfants innocents de l'aider dans cette énorme tâche.

« Est-ce que vous voulez -leur a-t-elle demandé  dans sa première apparition- vous offrir à Dieu pour supporter toutes les souffrances qu'Il voudra vous envoyer, en réparation pour les péchés par lesquels il est offensé et pour lui adresser des supplications pour la conversion des pécheurs?» Les enfants, éduqués dans une catéchèse sacrificielle et terroriste, ont dit oui. Et, comme eux, beaucoup de gens aujourd'hui continuent encore à dire la même chose à ce Dieu.

Seulement ceux qui ne veulent pas voir, peuvent ignorer qu’à Fatima, le Dieu le plus recherché par les personnes qui souffrent maladies et afflictions de toutes sortes, est une affreuse caricature de Dieu. C’est un Dieu qui nous angoisse, qui inspire la peur, qui nous punit, qui donne et prend nos vies comme bon lui semble et selon son humeur du moment. C’est un Dieu qui exige des sacrifices humains, qui se complaît à la vue de l'auto-flagellation des pauvres, dans une immolation qui peut atteindre les limites de leurs forces et de leur vie. C’est un Dieu en rébellion contre l'Évangile, et qui a donc plus du démon que du Dieu.

C’est le Dieu qui, depuis l'aube de l'humanité, a vécu dans notre inconscient collectif, où, manifestement, n'est pas encore arrivée la bonne nouvelle libératrice de toute peur, qui est au cœur de l'Évangile de Jésus.

L'Église catholique qui, dès les débuts, a réglementé le phénomène « Fatima », n’a pas encore été capable de l’évangéliser. Et Dieu sait si cette tâche est urgente et nécessaire ! Malheureusement, elle a été plus intéressée à profiter à son avantage, et d’une façon sacrilège, de ce phénomène. Sans doute parce que, comme le dit l'annonce de la loterie, cela était plus facile, pas cher et rapportait des millions. En plus, Fatima garantissait des statistiques élevées à l’heure de faire le recensement des catholiques portugais. Ce qui donne à la hiérarchie ecclésiastique du Portugal beaucoup plus de pouvoir lorsqu’il sagit de revendiquer ou de négocier des avantages législatifs auprès des autorités politiques en place.

Il est temps de changer Fatima de fond en comble. Est-ce risqué ? Sans doute ! Mais c'est une nécessité incontournable. L'enjeu est le Nom de Dieu, le Dieu révélé en Jésus de Nazareth. C’est l’authenticité de la foi chrétienne. Et surtout est en jeu le sort de l'humanité, surtout de la majorité appauvrie et opprimée, que l’annonce de Fatima encourage à maintenir dans la peur, la soumission, la privation, la souffrance et le sacrifice.

Les théologiens chrétiens ont donc leur mot à dire sur la question de Fatima. Avec lucidité, courage et discernement. Pour lutter contre les faux dieux qui dirigent les sorts de l’humanité, la parole des théologiens est irremplaçable. Et il arrive parfois que leur parole en fasse des martyrs, comme cela a été le cas pour certains confrères théologiens d’Amérique Latine. Mais les théologiens ne peuvent pas cesser de parler. Comme ne peuvent pas se taire, non plus, les communautés chrétiennes qu’ils animent de leurs enseignements.

C‘est grâce à ces théologiens et théologiennes qui se battent pour garder vivante dans l’Église la pureté et l’originalité de la doctrine du Maître de Nazareth, que nous savons aujourd’hui que son Dieu, devenu aussi notre Dieu, n’est pas un Dieu qui a créé l’enfer pour y précipiter et y torturer les pécheurs (et qui n’en est pas un ?); mais un Dieu qui les accueille et qui mange avec eux. Et cela par choix, par grâce, par pur amour, pour son plaisir. Ces théologiens rappellent sans cesse aux chrétiens que le Dieu de Jésus est un Dieu qui, au lieu de faire des victimes, cherche à les baisser de la croix. C’est un Dieu engagé, en tant que Créateur, à faire de cette terre, qui a déjà beaucoup de l’enfer, une terre nouvelle, où Il habite avec nous et parmi nous comme l’Emmanuel, à tout jamais.

 Et Marie, la mère de Jésus, au lieu de se promener à droite et à gauche pour demander aux gens simples, pauvres et ignorants de faire des sacrifices et de réciter des nombreux chapelets pour la conversion des pécheurs, apparaît, au contraire, dans les évangiles comme la plus grande poétesse et chanteuse de ce Dieu totalement engagé dans la libération et le salut de l'humanité et pleinement occupé à porter à terme la création du monde. Une création dont l’évolution et le perfectionnement ont été retardés, parce qu'il ne voulait pas les accomplir sans nous, mais avec nous. Et aussi parce qu'il respecte notre liberté, sans jamais perdre sa patience, malgré les innombrables bêtises que nous commettons contre nous-mêmes, contre les autres et contre la nature qui nous sert de berceau.

Dieu agit ainsi parce qu'il nous aime infiniment. Et il ne peut pas faire autrement !


(Traduction libre de l’espagnol par Bruno Mori: Fátima nunca más! )

(Texte original en portugais et espagnol dans la revue Relat223, voir : http://www.servicioskoinonia.org/relat/)





[1] Ouvrage de base pour comprendre l’esprit, la spiritualité et la théologie subjacente au phénomène des apparitions de Fatima.
[3] Le livre Lucie montre, avec une redondance presque fatigante, comment elle-même a toujours été victime de ce sinistre endoctrinement  et comment, même des nombreuses années plus tard, elle restera marquée par cette vision mythique et angoissante de la réalité, totalement étrangère au message libérateur de l'Évangile.
[4] Le souci pour le pape était survenu après qu’un prêtre leur avait parlé de l’existence du Pape et les avait informés que celui-ci était persécuté par les «ennemis» de l'Église.

[5] Sr Lucie écrit au Père Aparicio le 20 juin 1939  : «  Notre-Dame a promis de remettre à plus tard le fléau de la guerre si cette dévotion était propagée et pratiquée. Nous la voyons repousser ce châtiment dans la mesure où l’on fait des efforts pour la propager. Mais je crains que nous ne puissions faire davantage que ce que nous faisons, et que Dieu, mécontent, lève le bras de sa miséricorde et laisse le monde être ravagé par ce châtiment, qui sera comme il n’y en a jamais eu, horrible, horrible.  » (op. cit., p. 244)

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