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mardi 6 février 2018

ON A TOUS BESOIN D'AMOUR

La belle-mère avec la fièvre

 ( 5e dim. ord. B – Mc 1, 29-39)

L'Évangile d'aujourd'hui nous présente une journée « typique » de Jésus : Jésus prêche et guérit. Ce sont les deux principales activités de Jésus.

            Le texte commence par le récit de la guérison de la belle-mère de Pierre qui était au lit avec la fièvre. Il faut avoir présent à l’esprit que les évangiles sont des documents catéchétiques écrits dans le but de parfaire la qualité de la foi des premières communautés chrétiennes. Si tous les trois évangiles synoptiques nous ont transmis cette anecdote, cela signifie qu’ils lui attribuaient une importance symbolique et une valeur spirituelle qui vont bien au-delà d’un simple renseignent de chronique journalistique. C’est à nous alors de découvrir le message que ce bref récit veut nous transmettre. Essayons.  

Alors que les Évangiles sont totalement muets sur l’état civil des autres apôtres, ce passage nous annonce ouvertement que Simon Pierre était un homme marié. L’évangile nous raconte aussi que quelque temps auparavant, Simon et son frère André, qui vivaient de la pêche, sur un coup de tête, avaient quitté leur profession, laissant bateau et filets sur la grève, pour suivre un certain Jésus de Nazareth qu’ils pensaient être le messie attendu. La même chose était arrivée à deux autres frères, Jacques et Jean (Mc.1,16-20). Et voilà que maintenant les quatre nouveaux disciples ne trouvent rien de mieux à faire que de s’inviter, avec Jésus, chez Pierre, pour fêter ensemble leur nouvelle carrière de «pêcheurs d’hommes».

Vous pouvez imaginer ce que pouvaient penser de tout cela les deux femmes de la maison  de Pierre qui, soudainement, se sont retrouvées seules et abandonnées par celui qui était le seul pourvoyeur et soutien de la famille !  

On peut alors comprendre la fièvre de la belle-mère de Simon qui, veuve depuis quelques années, plus expérimentée et plus futée que la jeune épouse un peu niaise et ingénue de Pierre, s’inquiète et panique autant pour son présent que pour son avenir. Elle ne réussit ni à comprendre ni à accepter la nouvelle tournure que la vie de son genre a prise au cours de ces derniers temps. On peut facilement s’imaginer la réaction et les propos que cette femme a dû tenir : « Mais il est devenu fou ou quoi ? Il a perdu la tête ! Comment peut-il partir derrière cet illuminé de Nazareth ! Qu’est-ce qu’il lui a pris? Mais c’est un irresponsable ! Il nous met tous dans le pétrin ! Il ne peut pas nous faire une chose pareille ! Nous ne sommes pas des riches ! Comment allons-nous vivre ? Qui va s’occuper de nous, des enfants, de la maison, de l’entreprise ? Est-ce que ce vagabond, qui se prend pour le messie, va nous donner à manger ? Est-ce qu’il va payer un salaire à Simon ? C’est moi qui vai devoir écouter les ragots des voisins ! « Eh, madame, est-ce vrai que votre gendre a laissé sa femme pour partir avec un homme ?».

Une chose est certaine, la belle-mère de Pierre est une femme qui a les deux pieds sur terre. Elle pense aux conséquences économiques et sociales de cette bizarre décision de Pierre. Elle perçoit l’apparition de Jésus comme une intrusion et une agression dans sa vie et celle de sa famille. «Qu’est-ce qu’il veut de nous cet homme ? De quel droit vient-il chambarder et bouleverser notre existence, en manipulant et en perturbant l’esprit de ces pauvres nigauds influençables, ignorants et naïfs ?»

 Il ne faut donc pas s’étonner que la belle–mère, affectée au plus profond d’elle-même par cette épreuve, soit tombée malade. Elle est pleine de colère; elle brûle de rage à l'intérieur. C’est pour cela qu’elle fait de la fièvre ! Et quand elle apprend que les quatre pêcheurs séduits et ensorcelés par Jésus, s'invitent à manger chez elle avec l’ensorceleur, c’est la goutte qui fait déborder le vase. Elle ne voit plus clair; elle ne tient plus débout et va se cacher dans sa chambre, sous prétexte d’être malade :. « Qu'ils se débrouillent tous seuls, cette bande de fous !!! S'ils pensent que je vais leur faire à manger... ils peuvent toujours courir !!!» se dit-elle.

Mais Jésus, qui est fin connaisseur de l’âme humaine et de la psychologie féminine, comprend tout de suite la situation et saisit immédiatement l’état d’âme de cette femme. Il va donc la rencontrer et il lui parle. L'Évangile nous dit qu'il «s’approche» d’elle et qu'il «lui prend la main». Jésus avait compris que cette femme, restée veuve à un jeune âge, souffrait et déprimait depuis longtemps à cause de la solitude et de la frustration qui l’avaient aigrie et qu’elle avait donc un besoin énorme d’attentions, de tendresse et d’amour.

Jésus avait compris que les soucis qu’elle se faisait, la responsabilité qu’elle ressentait, l’importance qu’elle attribuait à sa présence dans la maison et les affaires de son gendre, n’étaient qu’une forme de compensation, une façon de combler un manque, un vide et une insatisfaction profonde dans sa vie, causés par de le fait de ne plus se sentir voulue et appréciée à son goût en tant que femme et personne.

Maintenant, au contact de Jésus qui s’est fait «proche» d’elle et qui la touche avec tendresse, cette femme découvre que c’est peut-être en acceptant, elle aussi, la présence de cet homme dans sa vie, qu’elle pourra assouvir sa faim d’affection et de réalisation personnelle.

 Ainsi se laisse-t-elle toucher par Jésus et ce contact la vide de sa colère ; la remet sur pieds; rallume en elle la confiance en la vie; fait disparaître sa fièvre, pour en susciter une nouvelle, faite d’ardeur, d’énergie, d’élan, de désir brûlant de s’approcher d’accompagner elle aussi cet homme, en acceptant finalement de le «servir».

Qu'est-il arrivé ? Il est arrivé qu’au contact de Jésus, de son regard, de son sourire, de son empathie, de sa bonté, de ses paroles, de l’énergie qui se dégage de sa personne, cette femme a fini par être ensorcelée et séduite elle-aussi. Et cette fascination l’a guérie de sa maladie, en la faisant passer de l’antipathie à la sympathie ; de l’aversion à l’affection; de l’évitement et la fuite loin de Jésus, au désir de vivre en sa proximité dans l’espoir de pouvoir enfin revivre à nouveau à la portée du cœur de cet homme et à l’ombre de son extraordinaire personnalité.

De cet épisode, nous pouvons apprendre quelque chose nous aussi.

Beaucoup de gens se détestent simplement parce qu'ils ne se connaissent pas; parce qu’ils sont centrés sur eux-mêmes. Ils ne voient qu’eux-mêmes et leur point de vue. Ils s'enferment dans leurs convictions et leurs préjugés. Ils ne ressentent que leur propre douleur. Ils ne veulent pas écouter et dialoguer.

Certes, lorsqu’on a été blessé, il est normal de se renfermer : mais si nous restons fermés dans le ressentiment, dans le silence acrimonieux, il n'y a pas de sortie possible, ni espoir d’un nouveau départ. Il n’y a pas de possibilité de rencontre et de rapprochement. Si nous restons sur le plan de la colère, si nous ne faisons que la guerre, rien ne sera jamais résolu, et, de plus, nous nous condamnerons nous-mêmes à une vie misérable, aigrie, révoltée, sans souffle et sans bonheur.

Mais si nous nous rencontrons dans la douleur, dans le dialogue, dans l’empathie et le pardon, alors tombent les raisons de la haine et de la rancune. Alors une vie meilleure devient possible, car ennoblie par la magnanimité de la réconciliation, du pardon et de l’amitié conquise et retrouvée et par la grandeur de la personne qui peut commencer une vie nouvelle beaucoup plus humaine et plus épanouie.  

Voyez cette femme ! Tant qu’elle se bat contre Jésus, celui-ci ne peut pas la guérir. Mais lorsqu’elle se laisse approcher, lorsqu’elle l’écoute ; lorsque les deux interlocuteurs cherchent honnêtement, sincèrement et sans parti pris à se comprendre et à saisir les raisons de leurs comportements et de leurs divergences, lorsqu’ils réussissent à se serrer la main et à se toucher le cœur, alors les distances, les préjugés, les différences, les divisions, les hostilités disparaissent. Les fièvres tombent. Les orages disparaissent. Un soleil plus éclatant vient égayer notre existence.



Bruno Mori – Montréal – février 2018 

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